Alain Martineau, Journaldesvoisins.com, Montréal, le 1er mai 2017
Les fouilles archéologiques ont bel et bien commencé depuis le 24 avril sur le site patrimonial du 12375 rue du Fort-Lorette, situé un peu à l’ouest de l’Église de la Visitation, un terrain fort bien localisé d’environ 60 mille pieds carrés, sur le bord de l’eau. Le terrain a été vendu par les Sœurs de Miséricorde à un promoteur immobilier de l’Est de Montréal pour environ deux millions de dollars.
Renseignements pris auprès de sources dignes de foi, c’est la firme Arkéos, une entreprise spécialisée dans la recherche, qui a été mandatée par la Ville de Montréal pour effectuer les fouilles.
L’administration municipale a obtenu l’aval des autorités autochtones qui devaient être consultées, nous a confirmé la conseillère de ville du district du Sault-au-Récollet, Lorraine Pagé, qui suit de près le dossier.
En outre, Jonathan Bousier, l’attaché de presse de la députée de la circonscription de Crémazie, Marie Montpetit, a confirmé à journaldesvoisins.com que le permis de fouilles avait été donné par le ministère de la culture et des communications du Québec (MCCQ) le jeudi 20 avril dernier. Toutefois, journaldesvoisins.com n’a reçu aucun retour d’appel du MCCQ depuis l’appel téléphonique fait auprès des responsables il y a plus de 10 jours.
À vendre, ou pas ?
«Selon l’information qui m’a été transmise, les Sœurs auraient, dans le passé, offert au gouvernement du Québec d’acheter le terrain. Je ne peux ni préciser à quel moment cette démarche aurait été faite, ni si elle l’a été à plusieurs reprises», a mentionné Lorraine Pagé dans un courriel adressé à journaldesvoisins.com le 2 avril.
Nous avions souligné le fait dans notre dernier article.
Selon Jonathan Boursier, toutefois, le MCCQ n’avait aucune note au dossier du site patrimonial du Fort-Lorette à l’effet que le terrain du 12375 du Fort-Lorette était à vendre.
Afin de tirer la situation au clair, journaldesvoisins.com a tenté de joindre la supérieure de la communauté, Soeur Monique Lallier, celle-là même qui a signé le récent contrat de vente, mais n’avait pas encore eu de retour d’appel au moment de mettre l’article en ligne.
Fouilles nécessaires
Les fouilles qui sont présentement entreprises sur le terrain du 12375 du Fort-Lorette étaient nécessaires avant de permettre au promoteur Gatti-Rizzo d’aller de l’avant avec un projet immobilier sur ce rare site sur le bord de la Rivière-des-Prairies, dans Ahuntsic, à un jet de pierre de l’Église de la Visitation, la seule bâtie sous le régime français, encore «debout» dans l’île de Montréal et classée monument historique en 1974.
Selon l’attaché de presse de Marie Montpetit, la firme retenue et le nouveau propriétaire ont l’obligation légale d’informer rapidement le ministre de la Culture dans l’éventualité où des vestiges seraient retracés. En outre, avant de procéder à la démolition de l’édifice actuel et à la construction d’éventuels bâtiments, le nouveau propriétaire devra soumettre un projet au ministère qui va l’étudier.
Des surprises?
On ignore pour l’instant ce qui ressortira des fouilles; la pluie des derniers jours ralentira sûrement le rythme des travaux qui étaient prévus, à l’origine pour durer deux semaines. Plusieurs petits emplacements ont été partiellement déterrés. Le terrain est présentement clôturé et la Ville a posé une affiche sur laquelle on indique la durée des fouilles et le fait qu’il est interdit de franchir la clôture ceinturant le terrain.
Dans ce secteur, des fouilles avaient déjà été réalisées plus au sud, vers le boulevard Gouin, avant la construction de maisons en rangée au début des années 1980 par le promoteur Giancaspro, mais selon le rapport officiel du MCCQ, rien n’avait été trouvé.
Toutefois, des vestiges de mur et des ossements humains avaient déjà été trouvés par un locataire dans la cour d’une vielle résidence à l’intersection de Gouin et Fort-Lorette, il y a plusieurs décennies.
Quoi qu’il en soit, on se demande pourquoi des fouilles en profondeur n’ont pas eu lieu plus tôt sur le site qui vient d’être vendu. Selon la conseillère Pagé, la communauté religieuse était fermement opposée à ce que des fouilles soient entreprises sur le terrain, ce que corroborent des documents consultés.
La SHAC veut un site public
Entre temps, la Société d’histoire d’Ahuntsic-Cartierville (SHAC) vouée notamment à la protection de notre histoire et du patrimoine dans l’arrondissement, s’est prononcée en faveur de la protection du site patrimonial.
« En cette année de célébration du 375e anniversaire de fondation de Montréal et du 150e anniversaire de la confédération canadienne, il nous apparaît primordial que le terrain du fort Lorette devienne un lieu public et soit mis en valeur », a indiqué le SHAC dans une missive sur son site.
Le jeune groupe de pression a aussi lancé un vibrant appel aux élus municipaux et aussi aux députées des deux paliers de gouvernement afin qu’ils se mouillent dans ce dossier en faveur de la préservation de l’emplacement, question de l’ «offrir a la population».
« C’est la riche histoire du site qui attire notre attention a mentionné l’organisme de défense des lieux et bâtiments historiques. L’endroit a été fréquenté par les Amérindiens comme en témoigne la découverte d’une pointe de projectile ayant entre 3000 et 4500 ans lors de fouilles archéologiques faites sur le terrain de l’Église de la Visitation. La fréquentation de ce lieu de portage et de pêche s’est maintenue à travers le temps au début du 17e siècle. Les missionnaires français ont emprunté cette route pour se rendre en Outaouais », a-t-on ajouté sur le site Facebook de l’organisme.
On rappelle aussi que c’est à la suite à la noyade du père Récollet Nicolas Viel et son ami français surnommé Ahuntsic, en 1625, avant la fondation de Ville-Marie, que le secteur a pris le nom de Sault-au-Récollet. Les Sulpiciens vont choisir cet endroit pour y déménager leur mission d’évangélisation du fort de la Montagne.
« Ils ont ainsi érigé le Fort Lorette. Une chapelle a été ajoutée à l’enceinte fortifiée en 1700. Les recherches indiquent que le fort se trouvait en partie où l’on retrouve le terrain du 12235, rue du Fort Lorette, ou du moins, tout près », a précisé la SHAC.
Rappelons que journaldesvoisins.com avait annoncé en primeur que la Congrégation des Sœurs de Miséricorde avait vendu le terrain patrimonial à cet endroit au promoteur Antonio Rizzo, une vente qui en fait bondir plus d’un.
On peut en savoir plus sur la prise de position de la SHAC, ici. La SHAC a également lancé une pétition à ce sujet, demandant au ministre de la culture et des communications ainsi qu’au maire de Montréal que le site relève du domaine public.