Valérie Levasseur

Quand les objets se font art

Lyne Boulet, Le Sentier, Saint-Hippolyte, mars 2017

Une quiétude enveloppante se dégage de l’exposition d’art numérique de Valérie Levasseur (1). Le corpus, intitulé Prospection est à l’affiche de la salle multifonctionnelle de la bibliothèque jusqu’au 5 avril.

Les œuvres ont été créées dans des terrains de camping des Laurentides. Étonnamment, on n’y retrouve aucun rappel d’une présence humaine. Au contraire, on a l’impression qu’elles sont immuables et figées dans le temps.

 

Genèse

Durant l’été 2014, Valérie se présentait le samedi dans un camping. Elle expliquait son projet aux campeurs et prenait des photographies d’objets leur appartenant et d’éléments de la nature. Elle sélectionnait des clichés et créait ensuite cinq compositions. Le dimanche matin, elle dévoilait son « travail d’artiste » aux campeurs. Elle leur présentait ses compositions artistiques ainsi que les quatre ou cinq prises de vue qu’elle avait utilisées pour les mettre en scène.

Ella a répété cinq fois cette opération qui exigeait d’elle une vitesse d’exécution incroyable. « Fatigant, essoufflant, oui! » dit-elle. Malgré cela, on ne décèle aucun sentiment d’urgence dans le produit de sa démarche. Il ne subsiste que l’intemporel qu’elle a su évoquer.

 

Arrimage de l’art-image

Valérie Levasseur a tout à fait bien su amarrer les objets des campeurs dans ses montages photographiques. Elle les y a stabilisés. Elle les a immobilisés dans un environnement naturel diaphane. Elle y a ensuite disposé des photographies de matières variées, allant de bouts de branche à des rideaux de caravanes. Sous son travail de confection, elles sont devenues des éléments décoratifs délicats et évanescents, de la dentelle pour les yeux. « Les associations d’objets que je crée flottent dans des non-lieux aux couleurs douces, paisibles et désaturées comme les photographies anciennes » explique-t-elle.

Elle a aussi judicieusement intégré des nombres dans ses assemblages, eux aussi photographiés sur les sites de camping. En les voyant, on songe inconsciemment à une classification, un archivage. Processus habile de l’artiste, car, de cette façon, ses compositions codées acquièrent ipso facto une valeur ajoutée.

 

Baume pour l’âme

L’artiste a associé à l’exposition Prospection des tableaux représentant de vieux bouquins, bien évidemment mis en scène à sa manière unique. « Baume pour l’âme est une œuvre sur mesure qui capture l’essence des moments importants par une série de petites toiles poétiques et douces. Je crée des ambiances paisibles dans lesquelles flottent (entre autres) des livres. Ce sont des éléments qui incarnent pour moi le cheminement et la réparation des événements malheureux que nous traversons dans nos vies. »

Valérie a, pour ce faire, utilisé des techniques mixtes. D’abord, elle a composé une peinture à l’acrylique sur son canevas. Puis elle a apposé les photos de livres sur la toile. Grâce à la technique de transfert d’image, seule l’encre se retrouve emprisonnée et la peinture se découvre en transparence là où aucune encre n’a été appliquée.

 

Séduction

Qu’on se laisse charmer par les natures mortes de Prospection ou qu’on soit enjôlé par les peintures intimistes de Baume pour l’âme, on ressort de cette exposition l’esprit calme et détendu. L’artiste a su trouver le chemin de nos cœurs et elle aura laissé, pour longtemps, son empreinte sur nos rétines.

(1)http://www.valerielevasseur.com