Manon Thibodeau, L’Info, Saint-Élie-d’Orford, février 2017
Et si pour seulement 24 heures, on osait mettre les souliers de quelqu’un d’autre. Vivre la vie d’un voisin, d’un étranger, d’un membre de notre famille. Oserions-nous? Ou si c’est plus facile de porter des jugements sans vraiment s’investir? Je pense à ceux qui arpentent le centre-ville, qui sont sans domicile et qui nous disent bonjour, demandant quelques sous. Ces gens sont ignorés, on les fuit, on regarde ailleurs. Tout d’un coup que le malheur serait contagieux.
Je pense aux deux hommes que je croise souvent, qui vendent leur journal communautaire. Ils ne sont pas agressants ni insistants. Ils ne veulent qu’être utiles et considérés. Pourquoi ne pas simplement leur souhaiter une bonne journée et leur donner ce qui ne coûte rien mais qui change tout; un sourire.
Nous étions au Marché de la gare en train de faire des emplettes pour un souper qui serait délicieux. Nous retournions vers la voiture, les mains pleines de victuailles et un chocolat chaud comme gâterie supplémentaire. Il faisait très froid, ça nous réchaufferait. Et nous avons croisé ce monsieur qui tendait vers nous son journal à vendre. Mon fils lui a dit bonjour et il lui a tendu son chocolat chaud. « Voulez- vous un chocolat chaud? Je n’ai pas bu encore, je vous l’offre. Ça va vous tenir un peu au chaud. »
Il a accepté en le payant de son sourire, un peu édenté, mais franchement, j’ai rarement été si éblouie par un sourire. Aucun autre mot n’a été échangé, que des regards de bienveillance et de respect. Nous avons continué notre chemin, mon cœur rempli de fierté pour mon fils qui était alors âgé de 10 ans. De retour à la voiture, je lui ai demandé : « Pourquoi tu as fait ça, pourquoi tu lui as donné ton chocolat chaud? » « Parce que ça lui a fait plaisir. Et parce que je savais que je pourrais boire un peu dans le tien! » Sa première phrase m’a profondément émue, la deuxième m’a surtout fait rigoler.
Et pendant que nous roulions vers la maison, chaude, accueillante, nous avons continué de discuter de la réalité que nous percevons des gens dans la rue. J’ai adoré ce moment. Les enfants ont une vision souvent plus ouverte envers les gens de tout acabit. Ils ne forgeront leurs préjugés que plus tard, à force d’en entendre autour d’eux.
Cet épisode de vie m’est revenu en tête après avoir lu l’article dans La Tribune qui présentait un jeune sans abri qui a été aidé par un inconnu qui a cru en lui. Le bon samaritain a osé, ne serait-ce qu’en pensée, chausser les souliers de l’autre pour constater que parfois, un coup de main est le bienvenu. Et si vous vous cherchez encore des résolutions à tenir pour 2017, pourquoi ne pas simplement vous promettre de distribuer à tous vents salutations et sourires. Les journées ne seront que plus belles!