Du lac Abitibi au pôle Nord

Jean-Pierre Robichaud, Le Pont de Plamarolle, Palmarolle, février 2017

Nous, ses partenaires d’expédition, l’appelons l’Ours polaire. Martin Murray fit ses premières expéditions hivernales en notre compagnie sur le lac Abitibi. Il y attrapa immédiatement la piqûre de l’hiver et du froid. D’un défi à l’autre, aventurier insatiable, il s’aventura en solitaire d’abord sur la Baie-James, puis affronta le lac Winnipeg, ensuite le Grand lac des Esclaves dans les Territoires du Nord-Ouest et maintenant, le défi ultime, le pôle Nord en mars 2017.

Martin réside à Val Rita près de Kapuskasing dans le nord de l’Ontario. En compagnie de son frère jumeau, il y gère deux entreprises, Murray Tire @ Auto Repair, en plus de superviser d’importants contrats à la mine Detour Lake. « J’ai besoin, de temps à autre, de me retrouver seul devant les éléments les plus extrêmes de la nature. Ça me permet de mettre le bouton à off et à ne penser qu’à survivre. » Lors de sa première traversée du lac Abitibi en 2004, il en imposait déjà par sa robustesse, sa détermination, sa confiance. Il n’hésitait pas à foncer en avant pour nous battre la trail lors de chutes de neige. Un peu téméraire, il fallait le surveiller quand on traversait le Narrow où la glace est parfois mince. Un jour, à la sortie de ce passage, il s’était enfoncé jusque sous les épaules avec ses raquettes aux pieds. On l’avait sorti de là in extremis. Mais pour lui, une erreur ou une épreuve c’est seulement une expérience de plus : on fait un feu, on se déshabille et on sèche le tout.

Comme un ours, Martin dormait sous un arbre aux abords d’une île, bien enroulé dans sa momie en duvet. Et comme si le froid ne l’atteignait pas, il skiait souvent mains nues et sans coupe-vent. Il carburait comme une fournaise, laissant une traînée de vapeur derrière lui. Dès lors, ceux qui le connaissent ne furent aucunement surpris quand il annonça que son objectif ultime serait le pôle Nord. Mais en homme réfléchi qu’il est, Martin savait bien qu’il avait encore bien des rations sèches à manger. En janvier 2006, il décide de s’attaquer au lac Winnipeg. Rien de moins que 378 kilomètres qu’il avale en 20 jours.

Quelques semaines après son retour à la maison, il nous accompagne sur le lac Abitibi où nous avons le plaisir, autour d’un feu le soir, de l’entendre nous raconter son aventure. En 2008, Martin lorgne la Baie-James. Il prévoit relier Waskaganish et Whamagootui, le village cri le plus nordique du Québec, avec sa nouvelle compagne quadrupède, une malamute de l’Alaska nommée Charlotte. Un périple de 600 kilomètres. Malheureusement, cette expédition a mal tourné. Dès le départ, un redoux jumelé aux marées a fait en sorte que Martin a skié dans l’eau et la slush pendant quelques jours. Après quelque 90 kilomètres, détrempé et un peu découragé, il décide d’abandonner. Ce coup du sort aurait pu lui faire accrocher ses skis dans le garage. Mais c’est mal connaître Martin. « Dans ce type d’expédition, quand l’idée d’abandon t’effleure l’esprit, c’est déjà terminé » admet-il. « Mais ce n’est qu’une expérience de plus», lance-t-il candidement à son retour. Eh oui! Martin continue de rêver d’expéditions extrêmes. Le pôle Nord est toujours dans son viseur. Pendant toutes les années qui suivent, il nous accompagne sur le lac Abitibi. Pour lui comme pour nous, c’est devenu un rituel. Puis en 2016, toujours en préparatifs pour le pôle, il décide d’affronter le Grand lac des Esclaves dans les Territoires du Nord-Ouest. Il se tape les 243 kilomètres en 11 jours. Il apprend à gérer sa transpiration, ses pelures d’oignon, ses ampoules, son anxiété quand il n’est pas sûr de sa direction.

Et tout ça l’amène à la réalisation de son grand rêve : le pôle Nord. Rêve qu’il réalisera bientôt, au printemps 2017, en solitaire avec son chien. Une épreuve de 775 kilomètres qu’il compte franchir en 55 jours. En décembre, Martin s’est entraîné à Iqaluit, dans le nord du Québec. Et son dernier entraînement, il le tiendra sur le lac Abitibi en janvier. Martin, tu vas nous manquer ce printemps sur le lac Abitibi. Mais on pensera à toi qui sera, à ce moment-là, sur le toit du monde. Et munis de nos téléphones satellites respectifs, on se donnera un coup de fil.

 

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