Pierre Hébert, Le Haut-Saint-François, Cookshire-Eaton, le 30 novembre 2016
Écrivain, clown, Michel Vézina ne fait rien comme les autres. Depuis 25 ans, il écrit à travers tout le reste; 14 livres plus tard, il croit être enfin arrivé à ce qu’il recherchait. En parlant de son dernier ouvrage, lancé le mois dernier, Pépins de réalité, il dira « c’est mon livre préféré. Après avoir essayé plein de choses, là j’arrive à quelque chose que je voulais. J’ai trouvé ma manière. On peut dire que c’est du Michel Vézina. »
Il avoue bien humblement, mais à la fois fier de le dire « je suis pas un écrivain grand public. Après 14 livres, j’ai à peu près tout essayé. Peu importe ce que je fais, j’ai toujours à peu près le même nombre de ventes. Un moment donné tu te dis OK, je gagne ma vie autrement, est-ce que je tiens absolument, tant que ça, à devenir un vendeur de best-sellers ? Je sais-tu assez comment ça marche les best-sellers pour être sûr de ma shot. Parce que si je me mets à écrire avec des recettes, des méthodes, des plans, j’ai moins de fun à écrire, mais je vais tu en vendre tant que ça. Ça va-tu me permettre de gagner ma vie ? Ce manque de fun là va se compenser comment ? Pis à un moment donné ça été, pis c’est pas la première fois que ça arrive, j’ai déjà au moins trois-quatre livres que j’ai dit de l’ost… de marde. »
« Je m’adresse pu nécessairement au lecteur en général. Je m’adresse à moi-même d’abord. Je m’adresse à des gens qui ont envie de faire cette partie de route là avec moi. De partir en voyage avec moi, pis un peu de la même manière, quand on dit qu’on part en voyage, est-ce que c’est la destination qui compte ou la route pour s’y rendre ? Alors moi, quand j’écris la destination, je la connais pas. C’est la même chose quand je pars en voyage, je sais pas où je m’en vais. J’prends la route, je m’en va là et pis si un moment donné y a un y, un t ou un x, bien c’est quasiment tu tires à pile ou face pis le feeling. Tiens ça me tente d’aller voir par-là, des fois tu te retrouves dans un cul-de-sac, tu vires de bord, tu reviens et tu prends un autre chemin. Dans mes voyages, c’est là que j’ai fait mes plus grandes découvertes. C’est là que j’ai rencontré les gens les plus hallucinants sans savoir où je m’en allais. J’aime ça quand j’écris et pas trop savoir où je m’en va. Cette manière d’écrire là est dans ma tête depuis au moins quatre ans. »
L’auteur se fait critique envers l’écriture. « Avec la littérature, d’un point formel, mais vraiment formel, y a quelque chose qui m’agace beaucoup avec le roman, c’est qu’on est rendu extrêmement paresseux comme lecteur. La TV et le cinéma nous imposent des manières d’inventer de nous raconter des histoires qui sont très hollywoodiennes. » Michel Vézina est d’avis que « malheureusement dans le roman contemporain, les auteurs d’aujourd’hui, pas tous heureusement, tombent dans ce piège-là. Il y a des écrivains qui écrivent comme s’ils faisaient une série télé. Ça, je trouve ça triste. J’ai l’impression que la littérature peut aller plus loin que ça. Moi comme auteur, je suis un peu plus exigeant. J’aime ça me casser la tête. J’aime ça quand je lis des romans ou quand je vais voir un film être plus sûr où je m’en va, être plus sûr de savoir si je comprends vraiment ce qui se passe. Expérimentons, explosons », clame tout haut l’écrivain.
Pépins de réalités est une espèce d’autobiographie vascillant entre le roman, l’essai, le récit et la poésie. C’est un mélange de réel, d’irréel, de mensonges bien apprêtés, comme les recettes que l’auteur préparent avant un spectacle de poésie et auquel viennent s’ajouter des ingrédients de folie créatrice, de limpidité étonnante par moment qu’il viendra saupoudrer de brume, histoire de déstabiliser le lecteur probablement juste pour «shaker» le pommier comme il se plaît souvent à dire. Inspiré par les deux dernières années de sa vie, le livre met en évidence le déchirement entre l’écrivain et le clown auxquelles les expériences de vie les ramèneront tout doucement à cohabiter par un projet commun aboutissant à la création du camion-librairie Le Buvard et le Publibrairie. Tout ça avec la collaboration d’un conparse Maxime Nadeau, surnomé Nadz.
Attention lecteurs, si vous pensez que le dernier ouvrage de l’auteur est une fin en soi, détrompez-vous car d’autres livres sont déjà en chantier. Quant aux multiples projets, l’auteur prévoit un développement pour le Publibrairie. « Avec le Publibrairie, j’ai l’impression d’avoir créé une base, soit les fondations et un lieu de rassemblement. J’aimerais faire un cirque des mots, une résidence d’écriture. J’aimerais pouvoir développer un lieu d’émergence pas juste des choses que moi et Maxime mettons de l’avant. Enfin, la meilleure façon de se procurer Pépins de réalité est de se déplacer au Publibrairie à Gould.