Stéphan Landry, dans ses valises.

Stephan Landry et la fin du monde circassien

Anne-Marie Luca, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, novembre 2016

De Toronto à Tokyo, en passant par Buenos Aires et l’Europe, Stephan Landry a tourné pendant près de dix ans avec le Cirque du Soleil pour incarner l’Innocent, l’un des deux personnages principaux du spectacle Kooza. Après plus de 2800 représentations, le Maskoutain a troqué son nez rouge contre de nouveaux défis.

Avec son sourire qui illumine la pièce, l’homme de 47 ans parle de l’univers circassien comme d’un monde parallèle. « C’est déconnecté du reste, s’exclame-t-il. Et c’est un mode de vie qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Moi, je l’adore. »

Que ce soit dans un penthouse avec vue sur San Franscico, un petit appartement au centre-ville de Toyko ou un hôtel en bordure d’autoroute, lui et la troupe d’une centaine de personnes — qu’il nomme sa grande famille — ont bougé de ville en ville presque tous les deux mois pour offrir jusqu’à dix représentations par semaine. Un quotidien imprévisible où « il faut accepter où l’on s’en va. »

Son personnage, lui, est prévisible. Ce protagoniste au nez rouge se fait emporter dans le monde du Trickster, un génie sophistiqué, où il rencontre plusieurs autres farfelus.

Stephan Landry est le premier à l’avoir incarné depuis la création de la pièce en 2007. Il l’a improvisé, travaillé, façonné. « L’Innocent est un être pur et curieux, mais très peureux, qui n’a pas beaucoup confiance en lui. Il a une fragilité d’enfant et regarde l’action au lieu d’être dans l’action », dit-il.

S’il a joué un personnage enfantin et délicat, dans la vraie vie, ce photographe amateur se décrit comme un passionné qui a besoin de vivre le moment présent. Et à l’arrière-scène de Kooza, c’était lui, le Trickster. « J’ai vu tellement de monde venir et quitter la troupe, dont une quinzaine de Tricksters, et je connais tellement bien la pièce et les personnages, que j’étais devenu la référence. »

Pour cet artiste de la scène qui a vécu la dernière décennie dans ses valises, revenir dans le quotidien du commun des mortels semble irréel. « Ça fait bizarre. Je ne le crois pas encore. Je flotte dans les airs », dit celui qui s’est installé en mai à Montréal.

 

Parcours

Ce comique a eu la piqure de l’improvisation à l’adolescence, alors qu’il regardait les premières diffusions de matchs de la Ligue nationale d’Improvisation, pendant l’émission La Soirée de l’impro, à Radio-Québec.

« Je m’y suis tout de suite reconnu, car c’était drôle. Et j’ai bouffé de l’impro pendant 25-30 ans », se souvient celui qui a notamment fait du théâtre de rue avec les Voltigeurs de Saint-Hyacinthe et dans le cadre du festival Juste pour rire de Montréal. Après des études en musique à Drummondville et en technique de jeu à Montréal, il passe une audition qui le classe dans la banque du Cirque du Soleil. Mais ce n’est que trois ans plus tard qu’il obtient le rôle principal dans Kooza.

Stephan Landry décrit, les yeux rouges et humides, sa dernière représentation du 19 mai, à Buenos Aires. « La finale est tellement touchante. Un personnage réveille l’Innocent en lui disant : “j’espère qu’on t’a secoué, montré que la vie n’est pas en noir et blanc.” Et l’Innocent dit adieu à ses amis, part, regarde en arrière et lâche son cerf volant. »