Les ténébrions ont un goût de cacao. Photo : Chantal Lambert

L’entreprise VireBebittes! … vous avez dit bibittes?

Chantal Lambert, Aux quatre coins, Ascot-Corner, novembre 2016

Sonia Plante, une entrepreneure innovatrice, est derrière cette entreprise en démarrage. Il s’agit d’une ferme d’élevage d’insectes située à Ascot Corner et que l’on peut qualifier de peu commune! Grillons et ténébrions (vers de farine) sont au menu!

 

Quelle idée!

Comment cette idée d’élevage d’insectes est-elle née? Jugeant exorbitant le coût des insectes achetés en animalerie pour nourrir ses reptiles, Sonia décida alors de démarrer un petit élevage à la maison. Ce premier élevage a très bien fonctionné! En explorant le domaine des insectes dans l’alimentation, l’entomophagie, elle y a vu une réelle opportunité. Elle étudie le projet depuis plus d’un an.

L’idée de consommer des insectes vous rebute? Vous n’êtes pas les seuls! Selon une étude de marché, les Québécois ne sont pas prêts à consommer des insectes entiers. On ne veut pas voir la bibitte! Par contre, il existe une ouverture pour les poudres d’insectes et les produits dérivés tels que des muffins, des barres d’énergie ou des croustilles. Le marché existe pour ce type de produit. Elle décide donc d’aborder le marché d’une façon très simple en offrant une poudre d’insectes de qualité, à intégrer dans les recettes.

l’élevage des insectes

Sonia Plante n’a jamais eu peur des défis. Elle sait aussi faire preuve de créativité, à preuve ces genres d’aquariums avec des cartons d’oeufs à l’intérieur qui servent à l’élevage des insectes. Photo : Chantal Lambert

Pourquoi en manger?

Pour la santé des individus, c’est intéressant. Le taux de protéine est, à la base, très élevé dans les insectes. Oui, oui! Un insecte est composé de 50 à 60 % de protéines, peu importe la nourriture qu’il mange. Si l’insecte est élevé dans un environnement structuré et que la nourriture donnée est sélectionnée, le taux de protéine peut alors être haussé. Oméga 3, oméga 6, acides aminés, vitamines, zinc, potassium et autres minéraux composent la bestiole. C’est une protéine santé qui s’apparente à une protéine végétale puisqu’on élimine la notion de mauvais gras. Les protéines d’un kilogramme d’insectes équivalent aux protéines d’un kilogramme et demi de bœuf.

L’environnement est également un point majeur dans la consommation d’insectes. Tel que Sonia le spécifie, nous avons abusé de la planète, nous devons maintenant réparer et revenir à quelque chose de plus raisonnable. La population planétaire ne cesse de grossir et il faut être en mesure de produire assez de protéines pour nourrir tous ces gens; les insectes sont une bonne solution. C’est de 10 à 100 fois moins polluant que le bétail conventionnel puisque les insectes consomment moins d’eau, moins de nourriture et ils dégagent moins de CO2. Cela prend 10 kilogrammes de nourriture pour produire 1 kilogramme de bœuf.

En revanche, seulement 1 à 2 kilogrammes de nourriture sont nécessaires pour produire 1 kilogramme d’insectes. Les insectes se développent pendant 5 à 6 semaines. Conséquemment, ils sont prêts à la consommation beaucoup plus rapidement que le bœuf. Les avantages environnementaux sont nombreux par rapport à l’espace occupé. On peut élever les insectes en hauteur dans un local; il n’est pas nécessaire de posséder un terrain de cinquante hectares pour le faire.

 

C’est bien beau tout ça, mais ça goute quoi?

Sonia déplore le fait que les insectes soient souvent présentés enrobés de chocolat ou intégrés à des sucettes. Le message lancé est que les insectes doivent être consommés de cette façon pour être bons. Ce n’est pas le cas. Les insectes ont un goût naturellement bon. Les ténébrions ont un goût de cacao selon Sonia alors que celui des grillons s’apparente aux graines de citrouilles, aux amandes ou aux graines de tournesol.

À moyen terme, elle veut se diriger vers la création de saveurs. Il est possible de modifier les saveurs des insectes en modifiant leur alimentation. L’objectif serait de répondre à des demandes particulières qui proviendraient du marché des transformateurs, comme les restaurateurs. Par exemple, la cannelle pourrait être intégrée à leur nourriture pour un petit goût plus épicé, plus relevé. D’autres idées bouillonnent telles que la création d’aromates.

 

Qualité

Sonia vise le haut de gamme, l’élevage d’insectes de qualité supérieure. Cette notion de qualité est ressortie lors de notre entretien. Je me suis alors demandé comment on peut créer des insectes de qualité. Un insecte de qualité est jaugé selon sa teneur élevée en protéines, donc selon la qualité de sa nourriture et également selon son environnement. Le taux d’humidité doit être contrôlé et la salubrité impeccable! Il n’y a pas beaucoup de règlementation à ce jour, puisque c’est une nouveauté au Québec.

Sonia en souhaite une pour éviter les élevages de piètre qualité. Par contre, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) est impliqué étant donné la transformation en des aliments pour consommation humaine.

Pour l’instant, les insectes sont nourris avec de la moulée végétale biologique pour poussins et des légumes biologiques. Les jeunes feuilles de laitues et de choux sont des régals pour les grillons. Du côté des ténébrions, les courges et les carottes sont appréciées.

 

Le processus de transformation

Les insectes n’ont pas la vie dure! Ils sont élevés dans un milieu clos, sans stress ni maltraitance. La façon de les transformer en poudre débute par la congélation. C’est le même phénomène qui se produit et meurent. Ensuite, ils sont bouillis une minute pour enlever les germes et bactéries possibles. La déshydratation et la mouture en farine sont les dernières étapes.

 

L’entrepreneure

Sonia Plante a la fibre entrepreneuriale, et ce, depuis des années. Détentrice d’un DEP en comptabilité, elle a déjà possédé son entreprise dans ce domaine tout en soutenant ses clients dans le démarrage de leur entreprise. Elle se dit elle-même une grande créatrice d’idées. À la suite d’un retrait de trois ans en Gaspésie sur le bord de la mer, elle revient en Estrie, son endroit préféré, qu’elle ne veut plus quitter. C’est à Sherbrooke qu’elle obtient son certificat en administration des affaires. Elle prône la santé et des valeurs humaines telles que la proximité, la communication et l’entraide. Cette mère de trois garçons et grand-mère de sept petits-enfants désire refléter ses valeurs dans l’entreprise et faire une différence dans son milieu. Considérer les gens est très important. Elle désire que ceux-ci se reconnaissent dans ses valeurs et se retrouvent dans sa mission d’avoir un impact positif sur la santé et la planète.

 

De gros défis

À tous les niveaux du développement de l’entreprise, il existe des défis à relever. Premièrement, la consommation d’insectes n’est nullement dans notre culture. C’est un nouveau produit et elle doit convaincre les gens qu’ils peuvent en consommer, que c’est bon au goût et pour la santé. Elle doit réussir à mettre en branle une production, faire la mise en marché, trouver un bon réseau de  distribution, entretenir une page Facebook, un site web et développer des recettes. Elle a travaillé en solo pendant longtemps pour faire tout cela, une réalité pour bien des entrepreneurs en démarrage. Par contre, depuis quelques jours, elle s’est entourée d’une chef au développement des recettes et d’une rédactrice et conseillère en communication. Une belle avancée!

Elle ne peut bénéficier de prix préférentiels pour ses approvisionnements, par exemple, pour l’achat de ses légumes biologiques, puisque ce n’est pas une très grosse production pour le moment. Loin d’être découragée, Sonia travaille fort pour que ça fonctionne et elle est persuadée que lorsque le marché sera percé au Québec, la roue tournera.

Pour l’instant, l’Ontario détient le monopole du marché canadien. Ils sont sur le marché depuis le début des années 1980, ils sont bien structurés et bien installés. Ce qui reste à faire ici est déjà fait là-bas. C’est maintenant à nous, le Québec, de développer ce créneau.

 

Recherche d’alliés

Oui, les investisseurs sont les bienvenus. Toutefois, Sonia désire également s’associer avec de petits éleveurs pour produire de plus grandes quantités de poudre pour réussir à desservir le marché québécois. La force d’un groupe pourrait grandement aider la percée du marché. Plusieurs beaux projets bouillonnent au Québec présentement. Sonia reçoit une multitude de courriels et d’appels de personnes qui veulent démarrer leur élevage. L’intérêt est bien réel et en émergence.

 

Le mot de la fin

Pour conclure, j’aimerais vous mentionner que l’entreprise Le Silo Épicerie Bio-Vrac située à Sherbrooke sera la première à distribuer les produits de VireBebittes. Une journée de dégustation est à venir. À suivre… VireBebittes est une entreprise qui étonne, qui peut même rebuter, toutefois, même si vous n’avez pas l’intention de goûter des insectes, nous devons être fiers des gens qui osent! Nous devons être fiers de ces entrepreneurs qui travaillent fort pour bâtir une entreprise, qui essaient de percer des marchés, qui innovent et qui s’allient à une belle mission. J’ai beaucoup d’admiration pour cette femme déterminée, Sonia Plante, qui sort des sentiers battus pour créer quelque chose de nouveau. C’est beau à voir et je suis certaine que nous n’avons pas fini d’être impressionnés par cette entreprise de chez nous! Ce n’est que le début…