Logement social et itinérance

Élise Solomon, L’Itinéraire, Montréal, le 1er novembre 2016

En juin dernier, l’administration Coderre a annoncé un ambitieux programme de revitalisation du centre-ville de Montréal. L’objectif annoncé de la Stratégie est de densifier et de dynamiser le secteur centre-ville en y attirant plus de résidents, de bureaux et de commerces.

Pour ce faire, elle mise sur trois grands chantiers: le transport en commun, t’ouverture sur le fleuve et la reconversion des ensembles institutionnels et des immeubles publics. Grands chantiers, réaménagements, densification: les impacts seront majeurs. Quelle place y aura-t-il dans ce Montréal de demain pour les personnes à faible revenu, pour les personnes itinérantes et pour les ressources leur venant en aide? Plusieurs enjeux posés par la Stratégie centre-ville interpellent le RAPSIM.

 

Cohabitation, inclusion et mixité sociale

La revitalisation urbaine, qui vise à rendre le centre-ville plus séduisant, ne s’accompagne pas toujours d’une approche des plus inclusive et respectueuse à l’endroit des personnes itinérantes et marginalisées. S’il convient de saluer les efforts de la Ville de Montréal pour favoriser la cohabitation sociale et minimiser les impacts dans ses récents projets, il n’en demeure pas moins que les personnes itinérantes sont trop souvent déplacées et judiciarisées. Dans un centre-ville que l’on veut de plus en plus habité, commercial, animé et touristique, il faudra s’assurer de respecter le droit de cité des personnes itinérantes, précarisées ou à faible revenu.

 

Logement social et abordable

Dans son document de consultation, la Ville convient que ta densification de l’habitation au centre-ville, déjà amorcée depuis une dizaine d’années, se caractérise par un développement immobilier tourné vers les grands complexes de condominiums à coûts très élevés s’adressant à une population aisée. Parallèlement, la part de production résidentielle destinée aux logements sociaux et abordables diminue constamment. La Stratégie parle d’un très grand potentiel de développement immobilier découlant de la présence de nombreux terrains ou immeubles vacants, lui donnant une marge de manœuvre significative pour le choix de projets. Quels paramètres dicteront ces choix? Quels seront les garde-fous face aux promoteurs privés pour assurer, l’accès à des logements abordables, la sauvegarde du parc de maisons de chambres et la construction de nouveaux logements sociaux sur le grand territoire du centre-ville?

 

Présence et pérennité des ressources pour les personnes itinérantes

Bien que l’itinérance soit vécue dans tous les quartiers de Montréal, c’est au centre-ville qu’elle reste la plus visible et où se situe la majorité des ressources d’aide. À mesure que la pression financière et sociale exercée par la spéculation immobilière et l’embourgeoisement augmente, les ressources qui viennent en aide aux personnes itinérantes ont de moins en moins la capacité de trouver des locaux au centre-ville et ceux-ci sont de moins en moins accessibles financièrement.

 

Une démarche à surveiller

Le projet de Stratégie centre-ville, tel qu’il est présenté aux fins de consultations publiques, accorde de l’importance au problème de l’itinérance et au principe de mixité sociale. Il propose aussi de favoriser le développement de logements sociaux dans la reconversion d’immeubles et d’institutions publiques. Ceci dit, pour que cela arrive, il faudra que la Ville ait les moyens de ses ambitions et notamment qu’elle travaille à ce que les gouvernements provincial et fédéral s’investissent à hauteur suffisante. Autrement, s’il n’est soumis qu’aux seules lois du marché, le développement du centre-ville risque de continuer à s’orienter vers une offre de logement à prix de plus en plus élevés, avec les conséquences sociales qui en découlent.

La Stratégie centre-ville est soumise à un processus de consultation publique au cours de l’automne et la Ville prévoit rendre public à l’hiver 2017 un Plan d’action qui proposera des initiatives ciblées. Le RAPSIM va assurément faire entendre ses préoccupations.