Centre Durocher : une insulte à tout le quartier

Nathalie Côté, Droit de parole, Québec, octobre 2016

Alors que la démolition du Centre Durocher a commencé, les voix continuent de s’élever pour dénoncer cette démolition et le projet immobilier d’Action Habitation. De nouvelles interrogations pointent à l’horizon.

Deux cents personnes se rassemblaient le 11 octobre dernier pour manifester leur désaccord avec la décision de la Ville de permettre la démolition du centre communautaire. Le jeudi matin 13 octobre, une cinquantaine de résidants du quartier formaient une chaine humaine devant le chantier de démolition pour demander la suspension du permis de démolition. Alors que la Ville et Action Habitation ont ignoré l’invitation des Oblats à participer à une rencontre le 18 octobre dernier, les citoyens ne lâchent pas prise. Ils se présentent régulièrement au conseil municipal et les critiques se multiplient.

 

Des arbres matures abattus ?

La démolition ne correspond en rien avec le développement durable comme l’a pertinemment rappelé Michael Parrish lors du conseil municipal du 17 octobre, précisant que des centaines de conteneurs de déchets sont jetés et que la démolition, notamment des murs isolés à l’amiante, se fait sans protéger les résidants du quartier, alors que les nuages de poussières auréolent le chantier. La Ville en a pris note.

Ce n’est qu’un des aspects environnementaux déplorable dans ce dossier. Michael Parrish a informé l’administration Labeaume que dans les plans actuels d’Action Habitation, c’est six arbres matures qui devraient être abattus pour la construction de l’immeuble. Michael Parrish a rappelé que le projet d’immeuble va créer un îlot de chaleur de plus comme l’ont déjà souligné plusieurs architectes et environnementalistes.

Le projet d’immeuble d’Action Habitation de six étages comprend 34 unités au prix du marché, et 34 logements subventionnés par l’État (34 logements sociaux). Éric Matin du comité citoyen a questionné la Ville lors du conseil municipal du 17 octobre et leur a demandé : pourquoi ne pas construire des logements sociaux dans le stationnement en face du parc Durocher ?

 

Pour François Saillant du FRAPRU : c’est un gâchis

Un gâchis qui aurait pu être évité, disait François Saillant en entrevue à Droit de parole : « Il y avait une alternative, rappelle-t-il, que les logements sociaux soient construits tout près, dans le stationnement appartenant à la Ville. » François Saillant, né dans St-Sauveur, dans ce qu’on appelait à l’époque, la paroisse Saint-Malo, précise : «L’opposition des citoyens n’était pas une opposition au logement social. Depuis le début, l’administration Labeaume a été complètement butée dans ce dossier, et elle a essayé de présenter les adversaires du projet comme des adversaires du logement social, ce qui n’est pas vrai. D’ailleurs, le comité des citoyens et des citoyennes (CCCQSS) revendique du logement social depuis longtemps. »

 

Une première au Québec

Les architectes, historiens et citoyens ont été nombreux à défendre le bâtiment art déco. Alors qu’aujourd’hui le logement social sert le plus souvent à sauver des bâtiments patrimoniaux (des églises notamment). Comme le souligne François Saillant, dans l’histoire du Québec, jamais on a démoli des infrastructures communautaires pour faire place à du logement social : «Sous la forme que présente le Centre Durocher, ça n’est jamais arrivé au Québec. À une certaine époque (les années 1970), les gens contestaient la construction de grandes tours HLM dans le quartier Saint-Sauveur, par exemple. C’était le contexte, il y avait beaucoup de démolition à l’époque. » À ce moment-là, les gens revendiquaient des logements sociaux à échelle humaine.

 

Qui en profitera ?

Diverses voix s’élèvent contre cette démolition et critiquent le projet d’Action Habitation. Louis Gagné, résidant du quartier, s’interroge : « qui a des intérêts financiers dans le projet ? » Les compagnies qui auront les contrats de construction et de démolition ? Le terrain exceptionnel, dont la valeur est de 555 000 $, a été vendu la moitié du prix à Action Habitation par Centre Durocher Inc. le 26 septembre dernier.

Le promoteur, Action Habitation, est un organisme sans but lucratif, un groupe de ressources techniques fondé en 1978 pour aider les citoyens dans leurs projets de logements sociaux. Mais ce que fait Action Habitation dans le dossier du Centre Durocher est tout à fait l’inverse. Action Habitation veut imposer un projet de logements aux citoyens en démolissant un bâtiment communautaire dont il est devenu le propriétaire. Et cela, avec l’aval de l’administration Labeaume. Il va sans dire que cet organisme s’est institutionnalisé et qu’on peut légitimement se demander pour qui cet organisme, avec à sa tête Armand Saint-Laurent, travaille désormais.