L’amour paiera le loyer, un show poétique sans poésie

Jenny Corriveau, L’Indice bohémien, Rouyn-Noranda, septembre 2016

Ma première rencontre avec Sonia fut magique. Elle ne le savait pas, mais déjà, sans qu’on se soit réellement rencontrées, on se connaissait et j’étais conquise, totalement sous l’effet de son charme irrésistible.

Assister à une prestation scénique de Sonia Cotten, c’est vivre avec elle, être à ses côtés avec une intime proximité que peu d’artistes arrivent à créer. Aujourd’hui, nous nous rencontrons pour vrai de vrai, dans un café. Nous discuterons de son nouveau projet : L’amour paiera le loyer, ce show poétique (sans poésie) pour lequel elle s’isolera pendant une semaine intensive de création littéraire et musicale avec un but, ressortir avec une production prête à être présentée à l’Agora des Arts le 21 septembre et le 23 à Montréal dans une salle qui sera dévoilée sous peu. Lecteur montréalais, reste à l’affût, tu ne veux pas manquer ça ! Nous nous rencontrons donc pour parler création, production, spectacle et bourse. Parce que ce beau projet est rendu possible grâce à une bourse que la belle poète s’est vu accorder par le CALQ, catégorie Création — spectacle littéraire, bourse qui lui permettra d’assumer une partie des dépenses liées à cette semaine intensive de création.

Alors là, j’entre dans la douche et j’me rappelle ce qu’un des nombreux chums de ma mère m’a dit une fois, y a ben longtemps : « L’bon dieu, c’est comme d’la visite ben polie. Elle va cogner. Mais si tu y ouvres pas la porte, a rentrera pas. Elle va attendre l’autre bord, ben sagement. Tu peux juste y dire de rentrer, si ça te tente. » Alors j’suis là avec du rince dans les cheveux et je pense à ça et coup donc, fuck that, j’essaie.
Extrait de monologue, L’amour paiera le loyer, Sonia Cotten

Deux filles à la verve hyperactive qui se rencontrent pour discuter d’un seul sujet. Je me trouve quand même ambitieuse (et naïve) d’avoir cru qu’on ferait ça rapide, concis et qu’on ne divaguerait pas sur 5 000 sujets ! Cela dit, ça a donné lieu à une riche rencontre, et, je crois, à la naissance d’une volubile amitié.

 

Jouer à la machine à café : créer sous pression

I.B. S’imposer la création d’un spectacle complet en une semaine, ce n’est pas un peu ambitieux ?

S.C. En fait, j’ai plusieurs poèmes déjà presque prêts. Ma ligne directrice est choisie, je sais où je m’en vais, et mes beaux garçons aussi. [N.D.L.R. : elle passera cette semaine de création en compagnie du multi-instrumentiste Sébastien Michaud qui, en plus de collaborer à la création, partagera la scène avec elle en paroles et en musique, de David Marin, qui occupera le poste de directeur artistique, et d’André Lemelin, qui agira à titre de metteur en scène.] On va donc passer une semaine à construire le spectacle, ensemble, avec mes textes et nos idées. Mais oui, on va créer sous pression ! On performe souvent sous pression !

I.B. Sonia, tu te décris comme étant une fille plutôt timide ; lire sa propre poésie, interpréter ses textes, ce n’est pas un peu se mettre à nue ?

S.C. Vraiment ! Quand je fais de la scène, ce n’est pas Sonia Cotten qui parle, c’est un personnage ! Je ne pourrais pas lire un texte là, de même, sans rougir. Puis il y a « la zone ». Ce moment où tu habites ton personnage et où tu es lié à lui. Ça, c’est ce que j’appelle « la zone ». Il faut avoir ça ! Il faut la trouver et l’utiliser ! J’admire d’ailleurs profondément la Marjo du temps de Corbeau. Elle, elle l’avait l’affaire. Elle parlait à son public comme si c’était son grand chum. « Salut toé ! », qu’elle disait. Rapidement, tu étais seule avec elle et le show, elle le donnait pour toi, pis personne d’autre. Ça, ça me parle.

Ces confidences m’ont immédiatement ramené en arrière, alors que j’ai vu Miss Cotten en prestation au Show de La Motte, accompagné au piano par le fabuleux Stephen Burman. C’est exactement ce qu’elle fait. Elle connecte avec les spectateurs, un par un.

La pièce qui sera présentée en septembre tire son inspiration de plusieurs références socioartistiques québécoises. On passe du réalisme au fantastique, de Sainte Carmen de la Main à Shania Twain, et les frontières sont transgressées, mais tout en douceur. Les éléments formeront un tout cohérent et organique où le public sera invité à intervenir. Un voyage où on suivra l’histoire de Nancy, chanteuse country de second ordre, devenue star du rock chrétien.

Le gars dépose son café ; il était froid. Pis là, comme si on était dans un poème de Patrice Desbiens, le gars se lève, monte sur la chaise puis sur la table, et s’envole.
Extrait de monologue, L’amour paiera le loyer, Sonia Cotten

 

En cette époque où l’humour occupe une grande place et où le public semble plus avide de contenu, de sens et de réflexion, tout en étant diverti, le duo musicien-comédien et poète-performeur dirigé et supervisé par David Marin et André Lemelin s’annonce attrayant, ludique, intelligent, divertissant, émouvant et accessible. Le créneau de Sonia se trouve au croisement entre le théâtre, la variété, le spoken word et le conte, et le tout sera livré sur une trame narrative aux accents cosmic country, inspirée de l’univers de Patrice Desbiens.

Je gueulais comme un bon
Gesticulant sur le bout des pieds de mon cœur tendu
que la paix a un prix que j’ai déjà payé
Que c’est une quête du calme, par le chaos
Extrait de poème, L’amour paiera le loyer, Sonia Cotten