Jenny Corriveau, L’Indice bohémien, Rouyn-Noranda, septembre 2016
Qu’on se le dise, pour plusieurs, le yoga c’est un sport de matante. Moi-même, et qu’on me jette la première pierre, lorsque je me suis inscrite à ma toute première session, je le faisais pour me remettre tout doucement en forme après une blessure, me disant que si matante Ginette est capable, je trouverais ça ben soft! J’étais persuadée qu’une prof power-ésotérique-simili-chaman-pseudo-guérisseuse allait tenter, entre deux figures, de m’enseigner l’art de communier avec Gaïa-notre-Terre-mère par le biais de chants gutturaux ou d’un procédé transcendantal quelconque, et que j’allais passer 90 minutes à flatter l’air qui m’entoure avec la conviction profonde que je communiais big time avec mon environnement. Sceptique ? Moi ? Pfff…
Le fait est que j’ai sué, SOLIDE ! Matante Ginette peut aller se rhabiller dans la garde-robe de sa fille, c’est loin d’être matante le yoga !
Je m’entretiens avec Stéphanie Lachance du Centre de santé Namasté, celle par qui j’ai découvert ce sport qui n’en est pas un, mais plutôt un art de vivre. Déjà, Stéphanie est bien loin de l’enseignante trop calme drapée de blanc que je m’attendais à croiser. Belle petite blondinette début quarantaine qui en fait à peine 32, pleine de vie, sourire radieux. Si Stéphanie éclate de rire (et ça arrive souvent), vous l’entendrez sur quatre étages. Elle est l’antipode de ce à quoi je m’attendais : exactement ce qu’il me fallait.
JC : Stéphanie, concrètement, en 2016, qu’est-ce que la pratique de cette discipline, qui date de millénaires, peut apporter à un humain moyen ?
SL : Nous avons un besoin imminent d’éveiller notre conscience et d’être en contact avec notre essence. Le yoga est l’une des rares disciplines où l’on travaille à la fois le corps physique, tout en créant l’équilibre parfait entre la force, la souplesse et notre intérieur mental, émotionnel et spirituel. Par la pratique physique, c’est concret. Les changements physiques et moraux sont palpables.
JC : Qu’est-ce que ça apporte à monsieur, madame Tout-le-monde, une pratique régulière du yoga ?
SL : En occident, notre mode de vie peut parfois être malsain. Nous sommes dans notre mental 99 % du temps, la dépression, l’angoisse et les troubles de l’attention sont omniprésents et nous habitons très peu notre corps physique. Le yoga pratiqué sur une base régulière nous fait habiter totalement notre corps et nous remet en contact avec notre respiration, notre énergie vitale et notre essence profonde. Il apporte une énergie bienfaisante et calme à la fois. Le yoga incite au respect, au partage et à l’introspection qui malheureusement sont négligés aujourd’hui. Le yoga Prana Flow énergétique est une discipline qui ajuste et renforcit tout notre être, en développant et en entretenant la force, la flexibilité et la fluidité intérieure comme extérieure.
JC : Et toi, qu’est-ce que ça t’apporte de l’enseigner, outre un salaire, évidemment ?
SL : Étant travailleuse sociale et massothérapeute de profession, j’ai découvert par le yoga la meilleure façon de prendre soin de mon mental et de mon physique. Le mariage de mes deux professions de base, par le biais d’une troisième !
Nous cultivons nos champs, nos villes, notre imaginaire, nos yeux, nos oreilles, nos enfants, nos cerveaux. Le yoga, c’est littéralement une culture de l’humain. Mieux vivre, se mettre à l’avant-plan, prendre soin de soi, connecter son corps et sa conscience, se grounder.
Prise au dépourvue, je me suis retrouvée complètement accro à ce mode de vie où j’ai appris à ME mettre à la une. Depuis la nuit des temps, l’humain est particulièrement doué pour se donner aux autres. Un travail prenant, des implications exigeantes, une famille et des amis de qui prendre soin. Mais nous-même, où nous situons-nous dans notre échelle de priorités? C’est peut-être un peu cliché ou encore un dogme prémâché, mais comment prendre soin des autres adéquatement si on n’arrive pas à prendre soin de notre propre personne ? Comment apprécier les gens à leur juste valeur, ni excessivement, ni pudiquement, si nous-mêmes ne nous auto-donnons pas la place que nous méritons dans notre propre vie ?
En pratiquant, on prend conscience de notre corps. Et en prenant conscience de celui-ci, on l’accepte, le valorise, lui pardonne ses faiblesses et le renforcit. La suite s’enchaîne naturellement. Le fait qu’il n’y ait aucun miroir dans la classe aide grandement à se concentrer sur soi, à prendre conscience du mouvement, des postures. Sentir chaque muscle travailler, ressentir l’équilibre, le déséquilibre. Au départ, j’étais vraiment perturbée par l’absence de miroir. « On me demande une figure, et je ne peux pas m’adapteren me regardant ! » J’ai rapidement compris. En ne nous voyant pas, nous n’avons d’autre choix que nous connecter à nous-même, avec respect. Pas de miroir, pas de jugement ! Lier le corps et l’esprit.