Roger Lafrance, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, septembre 2016
Quand on aperçoit la petite boutique de Miel Gauvin en plein cœur du quartier La Providence, on se demande toujours : « Mais elles sont où, les ruches ? ». Dans les faits, leurs abeilles butinent un peu partout en Montérégie, dans les vergers et les champs, et même aussi loin que le Lac-Saint-Jean au printemps dans les bleuetières.
Les miels Gauvin sont l’exemple type de l’entreprise familiale. Tout a commencé au détour des années 1930, quand le père des frères Yves et Paul Gauvin, Charles-Auguste, a commencé à s’y intéresser à la recommandation du curé de Saint-Thomas-d’Aquin qui désirait contrer le rationnement du sucre. Ayant commencé avec cinq ruches, le père a appris son métier sur le tas et a tenu à le transmettre à ses enfants. Yves et Paul ont tous les deux eu la piqûre au point d’y consacrer leur vie.
Aujourd’hui, les miels Gauvin sont en fait deux entreprises : Miel Gauvin, qui appartient à Paul, est spécialisée dans la commercialisation ; et Les Ruchers Gauvin, qui se spécialisent dans la production du miel, la pollinisation et la vente d’abeilles. Cette entreprise appartient à Yves et ses deux fils, Philippe et Jérôme. Même à 67 ans, Yves Gauvin demeure intarissable lorsqu’on le questionne sur son métier d’apiculteur. « Les abeilles, ç’a toujours été mon rêve, s’exclame- t-il dans les installations modernes de son entreprise à Sainte-Rosalie où il extrait le miel. Je me pince encore tous les jours quand j’arrive ici. Je ne pensais pas avoir un jour une entreprise aussi bien organisée que celle où je me trouve aujourd’hui. »
S’il laisse plus de place à ses fils, il est toujours actif au sein de l’entreprise. Pour lui, la retraite n’existe pas. « Ce qui me motive ? J’apprends encore, répond- il à la question. Pendant une certaine période, on fonctionnait par habitude. On ne se posait plus de questions. C’était devenu une routine. Quand les acariens sont arrivés au début des années 2000, les apiculteurs ont tous été pris au dépourvu. On ne savait pas quoi faire.»
Venu d’Asie, le varroa, un acarien, a décimé plus de la moitié des abeilles québécoises en 2003. Il a forcé les apiculteurs à se retrousser les manches et à trouver des solutions pour protéger leurs ruchers. Toutefois, le varroa n’était qu’une menace parmi toutes celles que doivent affronter les apiculteurs, dont l’agriculture intensive et l’usage fréquent de pesticides.
Les abeilles, on le sait, sont extrêmement vulnérables à leur environnement. Plutôt que de partir en guerre contre les pesticides et l’industrie, Yves Gauvin a toujours préconisé la concertation avec les autres agriculteurs. Par la pollinisation, les abeilles sont responsables de 70 % de l’alimentation dans le monde. Tous ont besoin des uns et des autres pour vivre, rappelle-t-il. Pour Les Ruchers Gauvin, la production de miel n’est qu’une des activités de l’entreprise. La pollinisation dans les vergers et les bleuetières occupe une part importante de l’entreprise, tout comme la vente d’abeilles.
L’apiculture connaît présentement un regain d’intérêt. De nouveaux producteurs investissent ce secteur d’activité. De son côté, l’apiculture urbaine est à la mode. Plusieurs grands chefs disposent de leurs propres ruches, comme au Château Frontenac ou au Palais des congrès de Montréal. La population est sensibilisée plus que jamais au rôle essentiel que jouent les abeilles, d’où la nécessité de protéger notre environnement afin de nous assurer qu’elles puissent continuer de butiner de fleur en fleur. Yves Gauvin est fier du chemin parcouru après toutes ces années passées au milieu des ruches. Une passion qu’il entend bien continuer à transmettre à ses petits-enfants.