Perte de contrôle

Samuel Fournier, La Quête, Québec, septembre 2016

Un imprévu, un 5 à 7, ou simplement un rendez-vous chez le coiffeur… Cela semble anodin, mais, pour les personnes atteintes de troubles anxieux comme le trouble phobique ou obsessionnel compulsif (TOC), ces situations peuvent rapidement devenir d’importantes sources de stress. L’organisme Phobie-Zéro aide les gens aux prises avec ce genre de problèmes depuis 1993. Chaque lundi, la Maison de la famille de Lévis les accueille pour échanger.

Il est 19 h 15. Près de dix personnes se sont déplacées afin d’assister à la rencontre. La responsable de la Maison n’arrive pas. Elle a la clé. Une question surgit au sein du groupe. Où se déroulera la séance qui doit débuter à 19 h 30 ? Cela ne se voit pas, mais pour Jérôme Bergeron, qui souffre d’anxiété généralisée, de trouble panique et de TOC, ça ne va pas ! Il doit gérer son stress.

Heureusement, la séance aura lieu comme prévu. La clé arrive vers 19h30. « Je voyais le temps qui passait. On n’avait pas la clé et l’on n’entrait pas. Je ne savais pas. Pour moi, c’était un problème énorme. L’anxiété montait alors qu’en réalité il n’y avait rien de grave », mentionne-t-il. Ressentir de la peur ou de l’anxiété est normal. Cela devient problématique lorsqu’une personne est incapable de contrôler ces sensations et de mener une vie normale.

Selon la Fondation des maladies mentales, le TOC se caractérise par des obsessions et des compulsions. « Les obsessions sont des pensées ou des images intrusives qui surgissent à répétition et qui sont difficiles à chasser de l’esprit. » La peur et la phobie, elles, se différencient par l’intensité de la réaction. « Le trouble de phobieest une peur irrationnelle qui entraîne un évitement conscient d’une situation. »

Difficile de déterminer avec certitude les causes des troubles phobiques ou obsessionnels compulsifs (TOC). Dans les deux cas, toujours selon la Fondation, elles sont d’ordre biologique, environnemental et social. Bref, elles sont d’origines diverses. Déjà, à la maternelle, la professeure de Jérôme notait qu’il était plus nerveux que les autres enfants. Pour Jérôme, le trouble semble provenir du milieu familial. « Mon père est excessivement anxieux. Je le savais, mais je me suis toujours perçu comme une personne calme, en contrôle, et je contrôlais tout aussi », raconte-t-il.

Jérôme avait toujours su gérer son anxiété. Il la gérait par divers trucs, notamment en pratiquant des sports comme les arts martiaux. Mais, en 2005, Jérôme a subi un important accident de voiture. Le rempart a cédé. Il a alors perdu le contrôle.

 

Les troubles anxieux au quotidien

Vivre avec une phobie ou un TOC complique le quotidien, notamment au travail. Jérôme a un souci excessif pour l’ordre des choses. Cela le sécurise. « On les place tellement qu’on perd notre temps. Un travail de 15 minutes me prenait presque une heure. Il était bien fait le travail, mais trop bien fait ! Les patrons disaient :  » c’est super, mais on n’en voulait pas tant  » ! »

« Au pire de ma période, j’avais des idées suicidaires. Je n’étais pas bien. Tu as l’impression d’être au bord du précipice et que tu vas tomber. Tu as toujours peur que rien n’aille. Tu es constamment en état d’alerte. Le corps use. Tu as de la misère à te lever. Tu veux tondre le gazon. Tu y penses une journée à l’avance. Tu te fatigues juste à y penser. Tu n’as envie de rien. Ça ressemble à la dépression. Souvent, l’anxiété est la cause de la dépression », raconte-t-il avec émotion.

Selon Jérôme, les femmes vont chercher de l’aide plus facilement que les hommes. « Les hommes s’isolent. Souvent, ils sombrent dans l’alcool et la toxicomanie pour soulager leur anxiété. Ce ne sont pas tous, mais, lorsqu’on gratte un peu, l’anxiété est là. »

 

Un traitement complémentaire

Jérôme, qui est pair aidant, anime les réunions de la section Lévis de Phobie-Zéro. Il explique que « l’isolement, c’est la pire chose qui peut arriver à une personne qui souffre de troubles anxieux. Le fait de se regrouper et de voir des gens qui vivent la même problématique, c’est rassurant ».

Les rencontres de groupe ne remplacent pas la médication, mais elles aident quand même. « Chaque semaine, on rappelle comment l’anxiété fonctionne, comment y faire face. Les gens viennent selon leurs besoins », précise-t-il. Outre Lévis, des réunions de l’organisme Phobie-Zéro ont lieu dans les secteurs Limoilou et Sainte-Foy de la ville de Québec.