Anne-Sophie Maltais, La Quête, Québec, septembre 2016
C’est par un vendredi matin ensoleillé que je rencontre Andréa. Elle me fait visiter son appartement spécialement adapté à ses besoins. Les interrupteurs sont plus bas qu’à l’ordinaire, il y a des barres de soutien sur la porte d’entrée et dans la douche, les corridors sont élargis et il y a de la place sous le lavabo pour y avoir accès, même en fauteuil roulant.
Andréa n’est pas une personne âgée. Elle a plutôt un handicap visible, plus précisément une scoliose congénitale. Cette situation rend ses déplacements complexes et lents, ce qui a un effet direct sur son quotidien.
Mais cela n’arrête pas Andréa, qui mord dans la vie à pleines dents. Au programme de la journée : séance de gym, rendez-vous chez l’esthéticienne, conférence et restaurant.
Pour se rendre au premier lieu, qui est situé à six kilomètres de chez elle, Andréa doit attendre le transport adapté qui vient la chercher. Une auto du type taxi arrive rapidement. À l’intérieur, une jeune fille attend. Il est 9 h 11. En raison des détours pour aller reconduire les autres usagés, il a fallu trois fois plus de temps pour se rendre à destination avec le transport adapté qu’avec une voiture régulière. À 9 h 40, Andréa arrive finalement au gym.
Mais elle doit résoudre un éternel dilemme. Le vestiaire des hommes ou celui des femmes ? Ce qui ne semble pas être un problème pour la majorité des individus l’est pour Andréa, qui est aussi transsexuelle. Alors qu’elle a jadis été destinée au vestiaire masculin, Andréa se contente pour l’instant du vestiaire familial mixte, qui est aussi adapté à son handicap. Après une heure au gym, Andréa n’a fait que trois exercices. Il faut dire que son handicap limite grandement son choix d’activités.
Il est maintenant 11 heures. Il faut tuer le temps pendant encore une autre heure, parce que le transport ne vient la chercher qu’à midi. Andréa s’en réjouit, car, pour elle, c’est le moment de se mettre à jour sur les réseaux sociaux, étant donné qu’elle n’a pas Internet chez elle. Il est presque midi. Andréa se lève et se dirige vers la sortie pour embarquer dans la voiture adaptée. En chemin, les gens lui ouvrent la porte pour l’aider. Andréa affirme cependant que ce n’est pas toujours le cas et qu’elle doit parfois demander de l’aide pour se déplacer aisément.
Elle a rendez-vous à 13 heures chez l’esthéticienne, dans une clinique qui est située à 13 kilomètres du gym. Pour s’y rendre, Andréa ne doit pas prévoir quinze ou vingt minutes, mais bien une heure, encore. En effet, l’auto doit, encore une fois, faire de multiples détours afin de reconduire les autres passagers à leurs destinations respectives.
Et elle ne s’y rend pas pour des traitements ordinaires. Elle est une femme, mais son passé en tant qu’homme laisse encore des traces sur son visage et son torse. C’est avec enthousiasme que son esthéticienne nous accueille. C’est la première fois de sa carrière qu’elle a une cliente transsexuelle, me confie-t-elle pendant qu’Andréa souffre des petites décharges électriques que lui inflige le traitement au laser. Il est maintenant 14 heures. En cinq heures, Andréa a accompli ses deux premières activités de la journée.
Lorsqu’on lui demande si elle s’empêche de faire des activités en raison de son handicap, Andréa n’a pas le choix d’avouer que oui, contre son gré. Le transport est souvent trop compliqué pour sortir de la ville.
Fan de cosplay, de danse burlesque et animatrice d’une émission de radio, Andréa a des passe-temps actifs, elle aime quand ça bouge. Elle affectionne particulièrement la photographie, plus spécifiquement être prise en photo. Cela lui permet de voir son évolution en tant que femme, chose qui la rend particulièrement heureuse.
Après tout le chemin parcouru, quelle serait la prochaine étape, selon elle ? Rencontrer quelqu’un. Une tâche ardue pour bien des gens, s’il en est une, mais Andréa n’est pas du genre à reculer devant un défi.