Habitée par Djinn

Lyne Boulet, Le Sentier, Saint-Hippolyte, septembre 2016

L’artiste peintre Djinn expose jusqu’au 19 septembre à L’Atelier des Arts 1 de Saint-Hippolyte. Elle nous fait découvrir sa collection personnelle de 25 années de peinture.

Bien campée sur mes pieds au milieu de la galerie de l’Atelier des Arts, j’ai d’abord fixé la première et la dernière œuvre de l’artiste-peintre Djinn qui ont été installées côte à côte. D’une part, une représentation très figurative des rochers calcaires des Îles Mingan, une toile rectangulaire au format photographique et, de l’autre, un tableau allongé d’une verticalité que vient habiter la minéralité des couleurs, une composition plus abstraite. Le fil conducteur? La pierre, les lignes que la nature y a tracées. « Les lignes de pierre représentent les lignes de vie » précise Djinn.

 

Voyage autorisé par un djinn

Un djinn serait un personnage immatériel capable d’influencer l’être humain. L’artiste venait en quelque sorte de m’autoriser à rechercher mes propres repères dans ses toiles. J’ai décollé mes pieds du sol pour un lent tour de piste. J’ai laissé la couleur m’imprégner, la profondeur m’aspirer et les impressions m’habiter. Un 360o enivrant. Deux noms se sont imprimés dans mon cerveau : Duras et Chagall.

Ginette Bertrand, alias Djinn, a séjourné au Vietnam et au Cambodge. Mais dans ses toiles d’inspiration orientale, j’ai vu l’Asie du sud-est d’une autre époque, une Indochine aux effluves de Marguerite Duras. Face à l’autoportrait de la peintre, Duras rôdait toujours dans ma tête. Elle qui a écrit: « Ce que j’essaye, voyez-vous, c’est de fixer l’obscurité même, d’en saisir, quoi, le côté négatif ». 2 Ces propos s’entremêlaient si bien à ceux de Djinn qui, elle, me disait « Je suis gémeaux. Je peux être maligne et bienveillante. Mon autoportrait représente la dualité ombre et lumière ». Les toiles sur le thème des musiciens les représentent en apesanteur, en opposition aux rochers bien ancrés au sol. Il m’a semblé y retrouver l’imaginaire de Chagall avec ses personnages éthérés, son style fantastique et sa vision poétique : un onirisme naïf et surréaliste tout à la fois.

Vous pourrez, comme moi, laisser voguer votre imagination à votre guise. Mais vous ne manquerez pas de voir dans les toiles de Djinn toutes les lignes de vie qu’elle a débusquées sur les pierres de tous les continents. Fluctuantes, insinuantes, ces lignes relient les toiles entre elles pour nous présenter la vision pénétrante d’une artiste cosmopolite.

 

La pierre : un support et un matériau d’artiste

Djinn ne se limite pas à utiliser la pierre comme sujet de ses toiles. Elle la consacre. Par une fresque de cheval gravée sur la pierre, elle nous rappelle que c’est la pierre qui a accueilli et préservé durant des millénaires les premières représentations artistiques de l’homme. Avec la Sagrada Familia de Gaudí, elle honore le matériau : de la pierre peuvent naître des œuvres d’art. Et elle l’illustre avec ce monument emblématique dont la construction a commencé au 19e siècle, et qui, pourtant, est encore en devenir. Pierre impérissable, pierre manipulable. Pierre mémoire, pierre à venir.

 

Atelier des Arts: la relève de Montagn’Art?

En 1988, Ginette Bertrand, compositeure, était l’invitée spéciale de Montagn’Art, alors dans ses premières années d’existence. Aujourd’hui, elle est la première artiste à exposer à l’Atelier des Arts sous le nom de Djinn. Verrons-nous opérer l’influence du djinn conjuguée au magnétisme minéral des toiles de l’artiste qui a adopté ce pseudonyme? Un effet d’aimant naturel qui ferait de l’Atelier des Arts le nouveau pôle d’attraction de la culture à Saint-Hippolyte…