Carte blanche – Une crise planétaire, un regard local

Mostapha Lotfi, L’Itinéraire, Montréal, le 1er septembre 2016

L’auteure et réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette est cette année porte-parole du World Press Photo, L’artiste propose, à l’étage du Marché Bonsecours, une exposition consacrée aux réfugiés syriens récemment arrivés à Montréal. À travers plusieurs portraits, elle a souhaité mettre en lumière ces Québécois qui parrainent des Familles syriennes pour faciliter leur intégration.

La face contre terre, de petites mains fermement jointes, on dirait qu’elles serrent un jouet. Le petit enfant semble faire une sieste. Hélas, il est déjà figé dans la mort. Tournant le dos au monde, la petite victime a l’air de se plaindre de l’injustice des hommes, de l’absurdité de l’existence. Désormais, le drame syrien a un visage : celui d’Alan Kurdi. Rarement une photographie n’aura été aussi expressive. Elle a engendré un séisme géopolitique fulgurant.

Saisissant l’importance de l’image, le World Press Photo s’est doté d’une mission : développer et promouvoir la qualité du photojournalisme en vue d’inspirer, éduquer, engager et pousser les gens à appuyer les causes justes du monde. Cette année, Anaïs Barbeau-Lavalette a eu carte blanche pour imaginer une exposition consacrée aux réfugiés syriens.

 

Anaïs Barbeau- Lavalette: sensibiliser par la photo

D’entrée de jeu, la jeune femme débordante d’énergie parle de ses réalisations et de ses écrits engagés, Interrogée sur ses sources d’inspirations, elle évoque « l’aspect heurtant, dérangeant, choquant et interpellant des photos du World Press Photo. Il s’agit d’un photojournalisme intelligent qui n’a rien de racoleur ni de sensationnaliste, côtoyant la poésie et bien ancré dans l’année politique et sociale. »

Anaïs Barbeau-Lavalette ajoute que c’est la médiation inédite de la crise des réfugiés syriens qui l’avait incitée à aborder cette thématique sous un angle « lumineux et focal ». Dans le déluge médiatique et les photos macabres qui submergent quotidiennement le public à travers le monde, la réalisatrice a voulu proposer une exposition basée sur une approche positive.

Au Québec, suite à la crise des réfugiés syriens, des familles se sont portées volontaires pour parrainer des migrants. Une démarche aux facettes humanitaire et juridique : il s’agit d’accueillir ces gens, de leur donner des conseils et des outils pour faciliter leur intégration au pays.

Anaïs Barbeau-Lavalette a ainsi mis en place des duos formés d’un membre de la famille québécoise garante et un autre de la famille syrienne parrainée. Elle a choisi de travailler avec le photographe Guillaume Simoneau qui, selon elle, « prend soin de l’être humain qui se met face à son objectif. Il a un côté humaniste qui ne le laisse pas indifférent face à la souffrance humaine». Son rôle de réalisatrice consiste à diriger l’œil du photographe pour explorer des angles originaux.

Elle nous parle de « ces familles syriennes, motivées, disponibles, faciles à aborder, et à l’aise avec l’objectif ». Elle est à l’aise avec elles grâce à un séjour prolongé au Moyen-Orient et une maîtrise relative de la langue arabe. Pour conclure, Anaïs Barbeau-Lavalette reste optimiste. Elle espère que « ces photos vont créer un changement, qu’elles poussent les gens à venir en aide à ces réfugiés». Concrètement, elle préconise l’élaboration d’un petit guide compilant de possibles de façons de faire pour s’impliquer, car ni le gouvernement, ni les ONG, ni les églises, ne peuvent résoudre à eux seuls les problèmes des réfugiés, et répondre à leurs besoins immédiats.