Le plus petit des grands gardiens

Jean-Pierre Robichaud, Le Pont de Palmarolle, septembre 2016

S’il évoluait dans la Ligue nationale aujourd’hui, Rogatien Vachon serait un nain à coté de Ben Bishop du Lightening de Tampa Bay qui frôle les plafonds à 6 pieds 7 pouces et pèse 215 livres. À l’époque, au hockey, le plus petit du groupe était invariablement destiné à garder les buts.

Sa petite taille ne l’a pas empêché de protéger brillamment ses buts pendant 16 saisons, de 1966 à 1982. Rapide sur ses jambes, vif pour capter la rondelle, il fut le meilleur gardien de but de son temps. En 795 parties jouées, il cumula 355 victoires, ne concéda que 291 défaites et maintint 127 nulles. Sa moyenne de carrière est de 2,99 buts alloués par partie. Il a joué six ans pour les Canadiens de Montréal avec qui il remporta trois coupes Stanley et un trophée Vézina. Puis il joignit les Kings de Los Angeles, ensuite passa aux Red Wings et finalement termina sa carrière avec les Bruins de Boston.

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Palmarolle est fière de son petit gars, de son ambassadeur et du rayonnement que ce dernier a répandu partout en Amérique.

Né le 8 septembre 1945 à Palmarolle, il fait ses premiers arrêts sur un étang gelé du Rang 4. Il s’était fabriqué des jambières avec des catalogues Simpsons et «goalait» sur la bottine. À l’âge de 14 ans, il évolue pour les Braves de Palmarolle dont les joueurs sont pas mal plus vieux que lui. Alors qu’il n’a que 16 ans, le prof Caron, Scotty Bowman et Jacques Laperrière se pointent chez lui et lui font signer un formulaire qui en fait la propriété des Canadiens.

Puis il quitte Palmarolle pour Montréal afin d’entamer sa carrière junior. Après avoir joué pour plusieurs équipes dont les As de Québec, il joint le club ferme des Canadiens en signant un contrat de 4 000 $ plus un bonus de signature de 600 $.

Le 18 février 1967 sera un grand tournant dans la carrière de Rogatien. En effet, le grand club l’appelle en catastrophe pour remplacer un Worsley blessé. Nerveux, le petit gars de Palmarolle fait sa première apparition au Forum. Ce soir-là, les Canadiens affrontent les Red Wings et… Gordie Howe. Dès les premières minutes, Howe s’échappe seul et fonce sur Rogatien. Ce dernier, tétanisé, l’attend du mieux qu’il peut et, contre toute attente, bloque le tir de Howe. Rogie dira que cet arrêt a sans doute été un des grands moments de sa carrière et a conforté sa confiance en lui. Ce soir-là, il fera ses débuts avec le grand club en l’emportant de façon spectaculaire 3 à 2 et se méritera la première étoile du match.

Dans les séries de la même année, après avoir battu les Rangers en quatre matchs, Rogie s’apprête à affronter les Maple Leafs. Le coach Punch Imlack, dans une de ses déclarations fracassantes, lance que les Canadiens ne peuvent gagner avec un gardien junior B.

Suite à la première partie gagnée par les Canadiens 6-2, l’indécrottable Imlach poursuit : «Il est encore un junior B mais il est le meilleur junior B du pays». Les Maple Leaf remportent la série en six parties. Cette déclaration va suivre Rogie toute sa carrière. En série finale de 1969 contre les Blues de St-Louis, Rogie joue son meilleur hockey et les Canadiens l’emportent en quatre matchs, le cerbère n’accordant que trois buts. Il joue son dernier match avec les Canadiens le 17 octobre 1971 et est échangé aux Kings le 4 novembre suivant.

Lors du tournoi Coupe Canada 1976, Rogie est le gardien désigné. Il signe six victoires contre une seule défaite et maintient une moyenne de 1,39 but par match. Il est nommé le meilleur joueur de l’équipe. Selon Rogie, c’est le plus haut fait de sa carrière. Après sa retraite, le 19 avril 1982, il rejoint les Kings. Il dépanne l’équipe comme instructeur, consultant des gardiens, directeur gérant, adjoint au président et directeur des opérations hockey. Le 3 juillet 1994, en présence de Rogie, Palmarolle nomme son aréna « Aréna Rogatien Vachon ». Et le 1er juillet 2005, c’est l’ouverture officielle de l’exposition Rogatien Vachon au même endroit.

Rogie, le dernier gardien ayant remporté plus de 300 victoires et qui n’était pas encore intronisé, aura attendu plus de 30 ans avant d’entrer au Temple de la Renommée des Canadiens de Montréal. Il y franchira fièrement le seuil le 11 novembre prochain. «Je n’y croyais plus depuis longtemps», avoue Rogie. «Ce fut toute une surprise de recevoir cet appel. Je suis encore en état de choc», confiait-il aux médias le 27 juin dernier.