Philippe Brach, ou l’art de ne pas laisser indifférent

Jean-Guy Deslauriers, L’Itinéraire, Montréal, le 15 juin 2016

Le jeune auteur-compositeur-interprète commence à se faire une belle place sur la scène Québécoise. À 25 ans, Philippe Brach a déjà été récompensé par le public et par ses pairs à plusieurs reprises, et continue à se faire remarquer par un style bien singulier et des clips osés.

En 2012, il est récipiendaire du prix du public lors de la première édition de l’Étoile Montante Ford. En 2013, il termine grand premier à Ma Première Place des Arts. En 2015, il est nommé révélation de l’année au gala de l’ADISO. À trois reprises il va monter sur les planches des Francofolies.

Philippe Brach s’est arrêté au café de L’Itinéraire, un peu pressé. à quelques heures de sa prestation à la dixième de Poésie et Sandwichs, place des Arts, au côté de Louis Maufette et plusieurs autres artistes, comédiens, musiciens et poètes, dont Bernard Adamus, Ariane Moffatt et Yann Perreau. C’est un show de trois heures qui lui a donné un certain (gros) trac : « Ce n’est pas comme monter sur scène avec son propre show». Il faut l’admettre, Philippe se mesurait ce soir-là à des grandes pointures.

Philippe, c’est un gars que je qualifierais de sympathique, charmant, intègre et très généreux de sa personne. C’est à la bonne franquette que j’ai amorcé cette rencontre, sans formalité et sans artifices. Ça s’est déroulé en toute simplicité, sans prétention, sans masques et en toute aisance.

Créateur un peu trash et grand passionné, j’me demande sincèrement si 24 heures par jour lui suffisent pour tout orchestrer, savourer et partager le couronnement de ses projets et de ses œuvres, pigmentées aux couleurs d’un musicien, auteur-compositeur. Je ne lui pose pas la question. Je me garde une petite gêne. À vous de le découvrir!

Né à Chicoutimi au Saguenay-Lac-Saint-Jean, plusieurs lunes après sa fondation en 1842 par Peter McLeod (fils). Philippe Bouchard de son vrai nom se dit beaucoup plus almatois que chicoutimien. C’est à Alma qu’il a passé toute son enfance et c’est là, sans rivalité, que se situe son cœur. Son amour et son affection pour la musique lui ont été transmis par son frère, qui étudiait en musique au cégep quand Philippe n’avait que sept ou huit ans. « J’ai été dévergondé très jeune, avant l’temps, grâce à mon frère qui m’a introduit à la musique de Jimmy Hendrix et de Janis Joplin des années 1970 ». Le rire l’emporte, l’affection qu’il éprouve pour son frère est palpable.

Il est maître d’œuvre de son travail mais se dit très ouvert aux talents des musiciens qui l’accompagnent et au processus créatif dans son ensemble. Tout comme pour la réalisation de ses clips vidéo, tantôt orientés clip performance (Alice. Downtown). Tantôt scénarisés cinéma (Crystet), il me dit ne pas vouloir se limiter, d’aucune façon, dans ses prouesses. Il fait confiance à son équipe et délègue beaucoup. Avant de valider les capacités de quelqu’un, c’est important pour Philippe de s’assurer que tous ses collaborateurs et leurs personnalités s’insèrent bien dans le moule, et que la magie et la symbiose s’installent.

 

« J’aime provoquer»

 

Être nommé révélation de l’année, recevoir des trophées, ça ne l’impressionne pas pour autant. Pour lui la seule vérité qui se cache derrière un Félix, c’est que les gens de l’industrie ont fait leur boulot. S’il monte sur scène chercher sa récompense, c’est beaucoup plus pour eux que pour lui. C’est une reconnaissance qu’il leur doit. C’est sa façon à lui de leur dire un gros merci. « je n’ai pas vraiment besoin de trophées dans ma vie. Ma tête de cochon me suffit pour fonctionner», plaisante-t-il.

Même s’il ne raffole pas des étiquettes et qu’il aime aller là où il n’est jamais allé dans ses exploits et ses audaces de créateur, sa musique n’en demeure pas moins, malgré toutes ses balades, orientée aux saveurs du country-folk-rock. «J’aime à l’occasion provoquer, être un peu caricatural et voir la réaction des gens. Ok, on s’réveille, on fait d’quoi ! Des fois c’est juste de dresser un portrait, comme une peinture, comme j’me sens ». Comme pour le morceau Crystel que j’affectionne tout particulièrement. « j’me laisse aussi influencer par ce que les gens de mon entourage ont vécu. Sans trop savoir, je pose des questions », L’auteur ne revient que très rarement sur ses textes, ça sort souvent comme un jet d’encre, comme dans l’urgence d’agir! Il se tanne très vite quand ça niaise. C’est comme au cinéma, Le tournage est trop long. Ça niaise, pis ça prend du temps. Et il y a des chances de décrocher.

Le jeune homme a commencé à écrire durant ses années de cégep, où il étudiait en production télévisuelle. Depuis ses débuts avec son premier band Buffet froid, il s’est forgé sans équivoque un style bien à lui, un talent à la hauteur de son être, un talent à la grandeur de son âme.

Parmi les causes qu’il revendique, Philippe se dit extrêmement sensible à la surexploitation et la destruction massive et sauvage de nos richesses et de notre environnement. La protection de la faune et la maltraitance envers les animaux par les insouciants et les inconscients de ce bas monde le font réagir et gronder de tout son être. Le tourment et le fait d’être dans tous ses états et en tabarnak agissent sur lui comme une provocation, un catalyseur qui le catapulte dans l’écriture et la création. «Quand ça va bien. J’ai moins le goût»,

 

Les griffes du ratel

 

Son amour inconditionnel pour les animaux est incontestable. Pas de bullshit. Pour Philippe, ces bébêtes-là sont d’une authenticité et d’une fidélité remarquables, pour ne pas dire inégalables. « Les animaux me permettent de me recentrer sur moi, de faire le point. Je ne dis pas que les humains n’ont pas ces qualités-là, j’ai toujours confiance en l’humanité, mais chez les animaux on n’a pas à se poser la question ». Le ratel (moufette africaine) est de loin son animal préféré. Agressif comme un p’tit crisse, le ratel n’hésite pas à se mesurer à plus gros que lui. J’me demande si Philippe aime le miel autant que le ratel et s’il sort les griffes pour se défendre contre une industrie pas toujours facile, pas toujours juste. Nous avons tous ou à quelques personnes près entendu parler d’histoires d’horreur entourant le monde du showbiz. Mais je ne lui pose pas la question. Disons que c’est comme une question secrète entre vous et moi. Moi je crois qu’il sort les griffes à l’occasion.

Le monde de la  création est un monde parfois ingrat et sans pitié, Un monde où la compétition, sans qu’elle devienne du cannibalisme féroce, peut parfois avoir une allure sauvage et cruelle. Il faut savoir s’imposer et se défendre. Le miel, comme pour le ratel. Ça donne de l’énergie et des forces pour le combat. L’altruisme et l’empathie sont des valeurs auxquelles Philippe Brach tient beaucoup. « Il faut apprendre à se mettre à la place de l’autre, La haine est beaucoup trop présente dans nos vies. Ça entraine la peur et la jalousie et le manque de compréhension. Peu importe ce que tu fais, que tu sois en train de tanker ton ski-dao ou de faire du travail humanitaire, à la base nous sommes tous des êtres humains». Je suis bien d’accord avec lui. Il faut prendre le temps de s’arrêter et de comprendre la détresse et la souffrance des autres. Philippe s’intéresse de très près au monde de l’écriture et du livre. Présentement submergé parmi ses crayons et ses brouillons, il nous prépare une fiction illustrée pour adultes, format enfant. Et un peu trash. Pour vous grands et petits, je vous recommande son premier livre, Colorier avec Brach.

Outre ses nombreux engagements, il « Brach » sa tournée, Portrait de Famine (son deuxième album réalisé par Louis-Jean Cormier et produit par Spectra), partout au Québec avec sa guit’ et ses musiciens. Cette tournée déjà bien amorcée ne laissera personne indifférent. À vous de juger en allant le voir « vomir» ses affaires si l’occasion se présente.