Valérie Lépine, Le Journal des citoyens, Prévost, le 21 avril 2016
Le Groupe Champlain et le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides annonçaient le 2 mars dernier la relocalisation des résidents du Pavillon Sainte-Marie, situé à Saint-Jérôme. Les deux organismes affirmaient à ce moment que cette décision permettrait d’offrir des milieux de vie plus adaptés aux besoins actuels des résidents.
Le Pavillon Sainte-Marie, situé sur la 113e avenue à Saint-Jérôme, héberge depuis 50 ans des personnes lourdement handicapées. Jusqu’à tout récemment, l’institution hébergeait 63 patients, dont certains y résidaient depuis plus de 30 ans, et employait 131 travailleurs.
Or, le Groupe Champlain, qui administre le pavillon, et le CISSS des Laurentides ont annoncé en mars que tous les résidents seraient relogés au plus tard le 15 avril, puisque les locaux de l’édifice sont maintenant jugés désuets par le ministère de la Santé. Certains journaux ont cependant rapporté que les locaux où seront relogés les patients ne semblent pas répondre davantage aux normes gouvernementales. Le transfert des patients s’est fait par groupe d’une dizaine dans quatre centres de type ressources intermédiaires situés à Sainte-Adèle et Morin-Heights, dans les CHSLD de Mont-Laurier et de Rivière-Rouge, à l’hôpital de l’Annonciation et dans l’Unité de déficience intellectuelle, physique et d’autisme de Rivière- Rouge. Certains de ces nouveaux lieux de résidence se situent à plus de 150 kilomètres de Saint-Jérôme.
Pour leur part, seuls les 75 employés permanents du Pavillon Sainte-Marie seront réaffectés dans le CISSS des Laurentides, et ce, en respectant les règles de replacement du personnel telles que définies à l’intérieur des conventions collectives en vigueur actuellement. Il y aura donc une cinquantaine de personnes qui perdront leur emploi à la suite de la fermeture du Pavillon.
Lors de l’annonce de relocalisation, le Groupe Champlain et le CISSS ont affirmé que « le meilleur scénario sera […] identifié dans le but d’offrir un nouveau milieu de vie qui répond bien aux besoins spécifiques de chaque usager, tout en leur offrant le confort ainsi que les soins et services nécessaires à leur bienêtre.»
Cette relocalisation des patients a pour but de transformer la vocation du pavillon en centre d’hébergement et de soins longue durée (CHSLD). Dans la section Opinions du Journal de Montréal du 10 avril dernier, Lise Ravary rapporte que « le gouvernement de Pauline Marois avait pourtant prévu 38 M$ pour mettre le Pavillon Sainte-Marie à niveau, mais depuis leur arrivée au pouvoir, les Libéraux jurent qu’il s’agissait d’une annonce vide, que le PQ n’avait pas provisionné ce budget. Le PQ, pour sa part, dit que le 38 M$ existait bel et bien, mais qu’il a disparu dans le trou noir de l’austérité. Ou au zoo de Saint-Félicien, dans le comté du premier ministre, qui a reçu une subvention de 26 M$ récemment. »
Une annonce qui suscite de vives réactions
Denise Hudon, présidente du comité des usagers du Pavillon Sainte-Marie et elle-même mère d’une fille handicapée qui réside au Centre, a vivement dénoncé cette décision en la qualifiant «d’euthanasie déguisée ». Elle déplore le fait que ce déracinement va grandement perturber les patients. « Ils n’ont jamais quitté le Pavillon, certains y vivent depuis 30, 40 ans. C’est un drame pour eux et pour nous leurs parents. Ils vont avoir des troubles d’adaptation physiques et psychologiques évidents, exprimés du repli sur soi, de l’agitation, de l’agressivité. C’est inévitable ».
Mme Hudon déclare d’autre part qu’il s’agit d’une rupture de soins radicale et contraire à toutes les bonnes pratiques dans le cas de cette clientèle à la condition médicale complexe et extrêmement fragile à tout changement de routine. Elle note que le Pavillon Sainte-Marie a grandement contribué à développer une expertise dans ce domaine et est devenu une référence pour la communauté scientifique. « Jamais [les résidents] ne retrouveront l’approche de soins multidisciplinaire et le milieu de vie qu’ils avaient ici » dit-elle. «Le personnel soignant du Pavillon Sainte-Marie s’est occupé de nos enfants comme si c’était les leurs. Il y avait une étroite collaboration et une confiance partagée entre tous les intervenants, qu’ils soient médecins, infirmières, psychologues, ergo ou physiothérapeutes. Nous étions un groupe, on nous isole. Nous étions tissés serrés et aujourd’hui, tous ces liens sont éclatés. »
À l’annonce de cette relocalisation, la CAQ a présenté une motion en chambre qui invitait l’Assemblée nationale à faire part de son indignation quant au projet de relocalisation. Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a cependant bloqué la motion. Le député de Lévis et porteparole de la CAQ en matière de santé, François Paradis, a qualifié de « sauvage » la fermeture du Pavillon. Les députés du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau et Sylvain Pagé, se sont dits inquiets de cette annonce. Sylvain Pagé a déclaré que le ministre Barrette ne doit pas laisser tomber les personnes qui y résident. Enfin, le député de Rivière-du-Nord et chef intérimaire du Bloc québécois, Rhéal Fortin, a blâmé Ottawa : «Le manque de financement du gouvernement fédéral en santé crée une pression immense sur le gouvernement du Québec, qui doit couper non plus dans le gras, mais dans l’essentiel des services à la population. […] On sait que c’est au niveau du gouvernement fédéral que se trouve la marge de manœuvre financière parce qu’il ne livre presque aucun service. »