Des réfugiés syriens à Rimouski ? Pourquoi pas !

Elsa Lambert, Le Mouton NOIR, Rimouski, mars-avril 2016

Il y a quelques semaines, la Ville de Rimouski s’est positionnée pour accueillir des réfugiés syriens. Une demande a été formellement déposée au cabinet de la ministre québécoise de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, pour que Rimouski devienne la quatorzième ville d’accueil. Pourquoi faut-il appuyer Rimouski dans son projet de devenir une ville d’accueil régionale incontournable pour les réfugiés syriens?

Les régions du Québec ont une longue tradition d’accueil des personnes réfugiées car, depuis les années 1950, le gouvernement tente par des politiques de régionalisation de « démétropoliser » l’immigration. Dans les années 1970 particulièrement, l’État québécois entreprend une importante démarche de promotion de l’établissement d’immigrants en région avec l’arrivée de près de 13 000 réfugiés vietnamiens (boat people). L’objectif était d’établir 50 % de ces nouveaux arrivants à l’extérieur de Montréal.

En 1992, avec sa politique de régionalisation de l’immigration : Une richesse à partager – Orientations pour une répartition régionale plus équilibrée de l’immigration, l’État québécois vise à répartir plus également la population immigrante sur son territoire dans le but de redonner aux régions un pouvoir économique provenant de l’immigration. L’ensemble de la communauté immigrante est concerné par cette politique, mais les réfugiés pris en charge par l’État semblent constituer le principal groupe cible des stratégies gouvernementales. Ces personnes sont sélectionnées lors de missions canadiennes à l’étranger et, à la suite d’arrangements provinciaux et régionaux, leur lieu de destination leur est d’une certaine manière « imposé ». C’est ainsi qu’entre 1993 et 1999, des vagues de réfugiés bosniaques, serbes, croates et kosovars ont déferlé sur le Québec. À partir de l’année 2001, c’est environ 1 500 réfugiés, provenant d’Amérique du Sud, d’Asie et d’Afrique, qui ont été accueillis chaque année dans une région du Québec.

La sélection des réfugiés pris en charge par l’État est partagée entre les deux pouvoirs gouvernementaux. Le Canada détermine le degré de détresse des ressortissants au sens de la Convention des Nations Unies relative au statut de réfugié et le Québec met en place des critères de sélection afin d’évaluer leurs capacités d’intégration à la société québécoise. Il y a donc, lors des missions canadiennes à l’étranger, des agents d’immigration québécois sur le terrain pour sélectionner des réfugiés en vue de les réinstaller dans l’une des 13 villes d’accueil 1. Ces villes moyennes ont aujourd’hui une solide expérience en matière d’accueil et d’intégration des réfugiés. Même que, pour certaines villes, les personnes réfugiées composent l’essentiel de leur immigration.

Il faut toutefois considérer que l’identité régionale au Québec est très homogène. Même si les personnes choisies répondent à des critères pouvant faciliter leur intégration, cette homogénéité sociale peut, dans certains cas, faire obstacle à l’inclusion des nouveaux arrivants, car les membres de la communauté ne laissent pas beaucoup d’ouverture à l’autre. Dans d’autres cas, cette homogénéité peut devenir un tremplin à l’intégration puisqu’il n’y a pas de communautés culturelles sur lesquelles les réfugiés risquent de se replier.

Dans les villes moyennes, comme Rimouski, la proximité des gens, la convivialité du voisinage et l’environnement sécuritaire sont des éléments importants qui favorisent les liens de confiance entre les personnes réfugiées et les natifs et qui alimentent le sentiment de sécurité. Pour les réfugiés, les grandes villes comme Montréal ont moins de pouvoir d’attraction en raison de l’environnement perçu comme moins sécuritaire.

Il ne faut pas oublier que ces immigrants arrivent au Québec avec un passé troublant (traumatisme, violence, torture), entraînant des difficultés d’adaptation parfois importantes. Il faut donc répondre aux besoins des réfugiés en assurant des services en matière de santé, de soutien psychologique, de logement, d’apprentissage de la langue, de formation et d’employabilité afin de favoriser leur rétention.

Dans un contexte de décroissance démographique pour des régions comme le Bas-Saint-Laurent, l’immigration contribue au renouvellement des populations. Au Québec, près de 75 % de la population immigrante se retrouve dans la région métropolitaine de Montréal, ce qui crée un fossé important entre la métropole et les régions en ce qui concerne l’apport économique et culturel que génère l’immigration.

Rimouski est une ville qui semble tout à fait propice à l’accueil des réfugiés syriens. D’une part, elle a intérêt à attirer de nouvelles familles qui pourront répondre au besoin de main-d’œuvre et, d’autre part, on y trouve les services et les infrastructures nécessaires pour accueillir les réfugiés. Il y a certes beaucoup de travail de sensibilisation à faire sur le terrain, particulièrement auprès des employeurs. Mais, avec toute l’expérience qui existe au Québec en matière d’intégration des réfugiés dans les villes moyennes, Rimouski peut facilement aller chercher tous les outils dont elle a besoin pour faciliter leur établissement.

1. Villes d’accueil : Trois-Rivières, Victoriaville, Drummondville, Joliette, Québec, Sherbrooke, Gatineau, Laval, Saint-Jérôme, Longueuil, Brossard, Saint-Hyacinthe et Granby

 

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