Rentrer chez soi pour l’avenir du village

Dominique Boisvert, L’Événement, Scotstown, février 2016

Il est né à Scotstown il y a 30 ans. Et il y est revenu il y a trois ans, pour contribuer à ce que l’héritage soit transmis aux nouvelles générations. Je vous présente Pierre-Jean Désilets.

Né en 1985, Pierre-Jean a fait son primaire à l’école St-Paul («Il y avait entre 100 et 120 élèves à l’époque!»), puis son secondaire à Sherbrooke et à Louis-Saint-Laurent. Après un court séjour au CEGEP de Sherbrooke, il va compléter un diplôme d’études professionnelles en foresterie à Lac-Mégantic. Cette dernière formation le conduira dans l’Ouest canadien où il travaillera six ans au reboisement avant de revenir dans le Nord québécois pour travailler avec Hydro Québec et les autochtones. Pendant ce temps, il poursuit une formation en gestion de projets aux Hautes Études Commerciales à Montréal.

Avec l’approche de la trentaine, le désir de s’établir enfin quelque part apparaît en même temps que l’envie de revenir dans la région. Il s’achète donc une résidence secondaire avec un ami à Piopolis, résidence qu’il loue quand il ne l’habite pas. Et de fil en aiguille, l’idée de s’impliquer dans le commerce familial commence à germer: après tout, l’épicerie dessert Scotstown depuis déjà trois générations. Comme cela n’a jamais fait partie de ses projets, il commence par venir y travailler à plein temps à partir de 2013, pour voir sur le terrain si ce genre de travail lui plaît ou non. Un an plus tard, il rachète les parts de l’associé de son père dans le commerce et devient lui-même copropriétaire de l’épicerie-charcuterie. Dès son entrée en fonction, il adresse une lettre ouverte à tous les résidents de la municipalité afin de faire connaître son désir de développer l’épicerie en fonction des besoins de la population. Dès le départ, il tient à associer les gens de la région à l’avenir du seul magasin d’alimentation du village.

Depuis ce temps, l’épicerie a connu deux phases de restructuration: en 2014-2015, on a révisé l’inventaire des produits disponibles et analysé les habitudes de consommation des clients («Les habitudes de consommation ont beaucoup changé depuis quelques années. Les gens se déplacent beaucoup plus, ont accès à tous les spéciaux sur Internet et font souvent leur marché dans les grandes surfaces. Il faut s’adapter à cela si on veut que l’épicerie puisse continuer à servir la population d’ici.»).

Présentement, on vient d’entreprendre une seconde phase où l’offre de produits ne sera pas touchée mais où l’espace du magasin sera réaménagé pour faire de la place à une nouvelle salle d’affinage pour les produits de charcuterie («La seule différence pour les clients, c’est que les allées seront moins larges.»). Car pour Pierre-Jean, l’avenir du commerce familial passe clairement par le développement de la Charcuterie de Scotstown. «Au début, quand Jean (mon père) a commencé la charcuterie, vers l’année 2000, c’est l’épicerie qui faisait vivre la charcuterie. Alors que maintenant, c’est l’inverse: c’est la charcuterie qui aide l’épicerie à vivre.» Toute croissance éventuelle ne peut venir que de la charcuterie puisque l’épicerie ne sera sans doute toujours qu’un service de proximité tant que la population locale ne sera pas plus nombreuse que maintenant. Tandis que la clientèle de la Charcuterie, qui comprend aussi des gens de la région, se situe très majoritairement à l’extérieur de celle-ci. Cette clientèle, développée d’abord en Estrie, s’étend maintenant un peu partout au Québec, avec des points de distribution dans les grands centres et des contrats d’approvisionnement direct auprès d’un certain nombre de restaurants. Pour Pierre-Jean, «la charcuterie au Québec en est présentement à l’étape où se trouvaient les fromageries artisanales il y a 10 ou 15 ans.

C’est un produit culinaire en croissance et que de plus en plus de gens apprennent à découvrir.» D’ailleurs, l’avenir semble plutôt prometteur puisque la croissance des dernières années a été «de l’ordre d’environ 30%». Si bien qu’il n’est pas utopique de penser que la Charcuterie pourrait devoir s’agrandir encore («Ce ne sont pas les locaux commerciaux disponibles qui manquent à Scotstown!») et pouvoir offrir davantage de travail aux résidents d’ici. Pour Pierre-Jean, qui vient de s’acheter une maison à Scotstown, revenir prendre le flambeau familial «a été un plus. Être la quatrième génération d’épicier, ça se place bien dans la conversation!» Mais ce n’était pas la motivation principale. Pour lui, revenir se mettre au service de la population du village, c’était d’abord une façon de lutter contre la dévitalisation de celui-ci et de contribuer, à sa manière, à la vie et, si possible, à la relance de la municipalité. D’ailleurs, il a déjà remarqué un changement dans l’achalandage touristique depuis quelques années, avec l’ouverture et le développement graduel de l’entrée Franceville du Parc du Mont-Mégantic.

Deux nouvelles activités vont s’ajouter ce printemps à l’offre touristique de Scotstown et des environs: l’ouverture, au printemps 2016, de la piste multifonctionnelle du marécage des Scots (8 kilomètres balisés de randonnée pédestre et de piste cyclable), qui reliera directement notre parc municipal Walter-Mackenzieà l’entrée Franceville du Parc provincial du Mont-Mégantic; et le lancement du projet Parcours de marche au coeur de Mégantic, circuit de longue randonnée qui reliera les divers villages autour du Mont-Mégantic avec la ville de Lac-Mégantic et permettra aux marcheurs de loger tout au long du parcours. Dans ce contexte, Pierre-Jean est relativement optimiste quant aux possibilités de développement de Scotstown et de la région. Mais comme il le rappelle, «pour songer à accroître la population locale, il faut pouvoir offrir du travail.» Et c’est là qu’il voit sa contribution comme entrepreneur («Un gros travail de tous les jours, ce qui ne me permet pas vraiment de m’impliquer dans d’autres activités communautaires, du moins pour le moment.»): d’abord maintenir à long terme le meilleur service possible d’épicerie pour la population locale; et si possible, développer suffisamment la charcuterie pour pouvoir offrir davantage de travail local aux gens d’ici.
 

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