Chronique de Wotton : L’école du rang 6

Marie-Josée Gamache, Le Trident de Wotton, février 2016

La maison que j’habite a été bâtie par Oscar Couture en 1900. Son fils, Camille, y a longtemps vécu et y a élevé sa famille. Les enfants allaient à l’école du rang, située à 10 minutes de marche de la maison, de l’autre côté du pont. Madame Pierrette Couture a eu la gentillesse de me raconter les souvenirs de son enfance et de me fournir des informations sur l’école du rang et son fonctionnement à l’époque. Les sœurs de son père étaient enseignantes et elle a elle-même enseigné à l’école du rang 6 durant un an, en 1959.

Les écoles de rang ont été construites suite à l’Acte pour encourager l’éducation élémentaire, émis par le Bas-Canada en 1829. Vers 1900, il y en avait environ 4,000 au Québec. El l es pouvaient accueillir de 10 à 30 élèves, de la première à la septième année. L’école du rang 6 regroupait une quinzaine d’enfants environ, ceux des familles alentour, qui marchaient et grimpaient les côtes pour se rendre à l’école. L’horaire était de 8h à 4h, avec une récréation le matin et l’après-midi et une pause pour dîner.

L’enseignante sonnait sa cloche à la main. Certaines écoles de rang avaient toutefois un clocheton sur le toit. L’école était divisée en deux parties : il y avait une grande salle de classe, meublée de bancs de bois et du bureau de l’enseignante ; il y avait aussi une partie privée, comprenant une petite cuisine et une chambre. Durant l’hiver, la salle de classe était chauffée par un poêle à bois.

La maîtresse d’école, comme elle se nommait jadis, avait plusieurs tâches. Elle devait enseigner toutes les matières, le catéchisme, la lecture, l’écriture, l’arithmétique, la géographie, etc. Elle devait adapter son enseignement à tous les niveaux.

Elle surveillait les enfants sur l’heure du midi, organisait des jeux et des pique-niques. Après l’école, elle préparait les leçons du lendemain et faisait les corrections. Elle devait aussi faire la concierge et nettoyer la salle de classe et les latrines et allumer le feu. Les élèves plus vieux aidaient les plus jeunes dans la classe et étaient mis à contribution pour les tâches domestiques comme rentrer du bois ou pelleter l’entrée. Une ou deux fois par année, Monsieur l’Inspecteur passait à l’école du rang, vérifiait le bon fonctionnement et questionnait les enfants. Monsieur le Curé venait aussi en visite et s’assurait que les enfants connaissaient bien leur petit catéchisme.

Habituellement, l’enseignante vivait à l’école du rang. Elle devait quitter son poste quand elle se mariait et fondait une famille. Madame Couture, pour sa part, n’y a jamais vécu car elle pouvait retourner à la maison de ses parents le soir. Sans surveillance, il se passait des choses la nuit dans l’école. Un matin, madame Couture trouva son dictionnaire tout abîmé, comme rongé. Son père lui suggéra de mettre une trappe et elle attrapa effectivement un gros rat, qui était venu manger la colle et le vieux papier. L’école du rang 6 a été fermée vers le milieu des années 1960, suite à la centralisation. Les enfants ont alors commencé à voyager en autobus pour se rendre à l’école au village de Wotton. Comme la plupart des écoles de rang, elle a été transformée en résidence privée.

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