Comment Laurette Bernard Rivard changea le monde

Richard Lareau, Aux quatre coins, Ascot-Corner, février 2016

Toute une affirmation! Je vous entends réagir… Sachez que chacun à sa façon change un peu le monde. Certaines personnes plus que d’autres. Certaines sont à l’avant-plan et savent qu’elles changent le monde. D’autres, plus discrètes, n’en sont pas toujours conscientes. Leur entourage n’en est pas nécessairement conscient non plus. Mais leur influence positive sur leur communauté, leur région, leur province, leur pays n’en est pas moins réelle. Ici même à Ascot Corner, nous en avons un exemple parfait.

Cet exemple, c’est Laurette Bernard Rivard. Comme beaucoup le savent, Laurette est décédée le 6 janvier 2016, à l’âge de 92 ans, après une longue maladie. Lors des funérailles, j’ai entendu tellement d’éloges et de commentaires positifs sur cette grande dame que je souhaite vous la faire connaître.

Comment elle changea le monde? Tout d’abord, il faut dire qu’elle a eu 12 enfants. Vous vous rendez compte? Douze enfants en 18 ans. L’usine à bébés a été ouverte durant presque deux décennies. Douze, c’est les quatre trios du Canadien de Montréal, l’alignement partant des Alouettes de Montréal, une équipe de football. Imaginez la montagne de couches lavées en 20 ans. Car c’était bien avant l’arrivée de la couche jetable dans nos foyers. Imaginez la quantité phénoménale de légumes, de viande, de soupes et de desserts à préparer…

Et tout ça à une époque où le four microondes, le four grilloir, le robot culinaire, le mélangeur, l’extracteur à jus et le four à convection n’existaient pas encore. Malgré l’absence de toute cette technologie, chez les Rivard, on mangeait comme des rois. C’était délicieux et abondant… Laurette, régnant en maître dans sa cuisine, lançait toujours : « pas de restants ».

Mes premiers repas chez les Rivard remontent à 1975. La première fois où, au dessert, elle a déposé quatre tartes aux pommes sur la table avant de s’exclamer « pas de restants », j’ai trouvé ça franchement drôle. J’ai trouvé ça encore plus drôle à la fin du repas, car de la tarte aux pommes, y’en avait plus! Ses enfants m’ont même raconté que lorsqu’ils vivaient sur la ferme, et que les employés mangeaient avec eux, c’était pas mal plus que les quatre tartes. Je vous le dis, même si ça paraît exagéré, il ne faut jamais douter d’un Rivard…

Il faut dire aussi que la maison était toujours pleine de parents et d’amis. C’était la plaque tournante d’une foule d’activités : tournois de tennis de table, parties de ballon, feux de camp et jeux de toutes sortes.

Foncièrement, les Rivard sont des gens accueillants et généreux. Ils aiment bien aussi rigoler un bon coup. À mon premier repas, après avoir ingurgité une quantité gargantuesque de pommes de terre, j’avais décliné l’offre d’une deuxième assiettée. Sans attendre, un petit comique s’est exclamé : « Hein! T’aimes pas les patates de ma mère! ». Immanquablement, Laurette jouait le jeu et reprenait d’un air espiègle : « comme ça, t’aimes pas mes patates? ». Ça riait à s’en décrocher les mâchoires. Moi, je riais jaune, juste un peu. Heureusement, j’ai découvert que je n’étais pas le seul à subir les blagues de la famille. Lors d’un repas subséquent, il y avait un nouveau convive. Lorsqu’un des enfants lui a fait la même blague, j’ai renchéri en disant qu’il manquait de classe… C’était une des nombreuses blagues à la sauce Rivard.

Comment Laurette changea le monde? Au-delà de la quantité, c’est la qualité qui est la plus impressionnante. Le fait de vivre dans une grosse famille amène chacun à être conscient de l’autre, à regarder ailleurs que son nombril. L’attitude d’ouverture, d’accueil et de générosité démontrée par Laurette et son époux Aurélien a profondément influencé leur progéniture. Ils ont eu 12 enfants, engagés dans leur communauté, qui ont eu une grande influence dans des sphères comme l’économie, la politique, la culture, les arts, l’enseignement, etc. Tous les professeurs qui m’ont parlé des « jeunes » Rivard ont souligné leur engagement communautaire, leur vivacité d’esprit et leur entregent.

Deux des enfants de Laurette et Aurélien ont même été désignés citoyens d’honneur de la municipalité; René R. en 1999 et Ghyslain en 2012. La pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre…Laurette Bernard est née le 23 juillet 1923 et a épousé Aurélien Rivard le 21 août 1943. Leurs 12 enfants leur ont donné 35 petits-enfants et 29 arrière-petits-enfants. Ils ont exploité une ferme laitière pendant 30 ans. À une époque où il n’y avait pas de salle de traite, d’ordinateur contrôlant la distribution de la nourriture aux animaux, d’appareil automatique pour écurer l’étable, ils « tiraient » jusqu’à 120 vaches. Ils ont éroché et cultivé la terre, la rendant fertile pour assurer la subsistance de leur famille et, bien sûr, nourrir la ribambelle d’amis qu’ils recevaient périodiquement.

En 1973, Aurélien, avec le soutien indéfectible de Laurette, fondait les Importations A. Rivard, une compagnie qui importe, principalement d’Allemagne, des produits de toutes sortes pour la ferme. L’entreprise familiale est aujourd’hui gérée par René R. et est située sur la Route 112 à l’entrée est du village. Personnellement, je me considère choyé d’avoir côtoyé Laurette et sa famille. Je ne suis certainement pas objectif à 100 % lorsque j’en parle, mais j’aime à penser que j’ai été un témoin privilégié de grandes réalisations, de l’amour et du partage qu’elle a laissés en héritage. Comme le disait si bien Fernand dans son hommage à sa mère : « ta mission ici-bas est plus que réussie». Bon voyage, Laurette!

classé sous : Non classé