«Endorphine» d’André Turpin, une incohérence préméditée

Jo Redwitch, L’Itinéraire, Montréal, le 15 janvier 2016

L'endorphine est selon le dictionnaire Larousse « une hormone sécrétée par le cerveau provocant une sensation de relaxation et de bien-être, voire dans certains cas, d'euphorie ». Le réalisateur André Turpin nous montre une perception de l'endorphine du point de vue du plaisir sexuel, tout en nous déstabilisant dans le temps, jouant entre le rêve et la réalité.

L'histoire d'Endorphine se passe en trois temps, avec trois actrices incarnant le rôle de Simone qui subit les séquelles traumatiques d'une tragédie. André Turpin nous décrit son film comme étant « une intention de créer une expérience vertigineuse, une sorte de transe hypnotique dans laquelle on abandonnerait ses repères narratifs pour épouser une logique de rêve ».

 

Une question de temps

 

À treize ans, Simone (Sophie Nélisse) vit un drame familial dans une sorte d'absence se rapprochant du déni, fuyant dans l'obsession de s'évanouir. À 25 ans, elle (Mylène Mackay) travaille dans le même édifice où le drame s'est produit. Selon moi, c'est par culpabilité de n'avoir pas pu l'empêcher. À cette période, elle observe sa voisine, dans un contexte de voyeurisme. La représentation de l'endorphine à travers une certaine fuite à caractère sexuel. À 60 ans, Simone (Lise Roy) semble épanouie dans une carrière fortement influencée par son vécu, mais elle subit toujours les conséquences du drame.

Les liens dans le temps sont crédibles de par la ressemblance des actrices interprétant Simone et la répétition de l'escalier où s'est déroulé le drame, le lieu dé du long métrage. En effet, c'est lui qui permet le pont entre les différentes temporalités du film.

Mylène Mackay se démarque particulièrement dans un rôle demandant, intense et difficile à interpréter. Il nous tarde de ta voir dans son rôle dans te film tant attendu sur la vie de Nelly Arcan, présentement en tournage à Paris et qui sortira en salle en 2016.

 

Le choc post-traumatique: mon drame

 

Je suis une personne avec des séquelles psychologiques permanentes post-traumatiques. J'ai constaté que la reproduction de ce qu'on appelle les reviviscences, ou flash-back, est bien représentée dans Endorphine. Des retours dans le passé et les profonds désordres psychologiques de Simone créent un brouillard visuel constant. De plus, les voix du personnage dans notre tête sont représentatives de l'état perpétuel du post-traumatique, qui vit une dissociation du réel.

La plupart des scènes, sombres, rendent crédibles l'état mental de Simone. Cependant, pour que le lien sexuel avec l'endorphine ait été plus véridique, il aurait peut-être fallu une représentation d'agression sexuelle lors du drame. Cela aurait permis au spectateur de comprendre davantage, d'une part, les raisons pour lesquelles Simone semble ensuite avoir un trouble sexuel et d'autre part, comment ce dernier est relié à son choc post-traumatique.

J'ai été victime d'une agression sexuelle. Cela m'a pris plusieurs années à me sortir complètement de l'état de reviviscence. Même après tant de temps, je revois encore ce fameux camion blanc où le drame s'est déroulé. Il est difficile de comprendre ces flash-back et ces dissociations lorsque l'on n'en a pas vécus soi-même.

En outre, le long métrage d'André Turpin nous fait vivre 84 minutes de transe qui représentent très bien ce que les personnes avec un choc post-traumatique vivent au quotidien. Une réussite étonnante!

 

classé sous : Non classé