Dominique Gobeil, La Vie d’ici, Shipshaw, janvier 2016
Aujourd’hui, j'aimerais vous parler des maisons bigénérationnelles. Il y a deux ans et quelques mois, j'ai quitté Shipshaw pour habiter une demeure de ce type à Arvida, construite spécialement selon les besoins de ma famille de quatre enfants et pour mes grands-parents, sur un terrain zoné bifamilial. Leur appartement a été adapté selon les particularités de ma grand-mère, qui, malgré ses jeunes 65 ans, était affaiblie par plusieurs maladies. Diabète de type 1, maladie d'Addison, maladie cœliaque, polyarthrite rhumatoïde et le dernier diagnostic de sclérose en plaques, qui lui faisait perdre tant d'autonomie, sans oublier les milliers de complications.
Sans ce grand changement, ma grand-mère aurait sans doute dû déménager dans un foyer pour personnes âgées. Leur ancienne maison était difficile à adapter. Comme mon père est leur unique enfant, nous étions les seuls présents pour nous en occuper, et être proche d'eux de cette manière nous a permis de les voir plus souvent et de mieux les soutenir. Nous n'avons qu'à passer la porte pour que le visage de mes grands-parents s'éclairent devant leurs quatre petits rayons de soleil. Juste entendre nos rires de l'autre côté, cela suffit au bonheur de ma grand-mère, elle qui n'a jamais perdu son optimisme malgré toutes ses souffrances silencieuses.
Plusieurs ont dit à ma mère que ma grand-maman était très chanceuse d'avoir une belle-fille comme elle. L'idée venait d'elle d'ailleurs et elle a dû user de beaucoup de persuasion pour convaincre mes grands-parents de la beauté de ce projet, eux qui ne voulaient pas s'incruster dans nos vies. Pourtant, ils en font déjà partie, on les aime et on s'inquiète pour eux, n'est-ce pas tout naturel de les garder près de nous au lieu de les laisser dans un foyer, comme nous en avons les moyens? Il y a quelques jours, ma grand-maman Diane est décédée. Elle adorait lire ces chroniques dans la Vie d'ici. Durant les deux dernières années, elle a dépéri au point que les visites des infirmières de l'aide-ménagère et des rendez-vous médicaux étaient devenus toute sa vie, à part les quelques éclaircies où elle profitait de bons moments avec nous. Nous pensions qu'elle pourrait profiter du Havre que nous avons construit encore plusieurs années, mais son cœur ne supportait plus tous ces médicaments et cette pression.
Certains ont demandé à ma mère si elle regrettait notre projet familial, qui a demandé beaucoup d'efforts. Elle répond toujours «jamais de la vie». Pour le seul réconfort de savoir que mon grand-père n'a qu'à passer la porte lorsqu'il se sent trop seul, lui qui a perdu le joyau de son existence, c'est le plus bel investissement du monde.