Jean-Yves Proulx, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, décembre 2015
Le gouvernement justifie ses politiques d’austérité pour à la fois « assainir », dit-il, les finances publiques et « respecter la capacité de payer des contribuables ».
Cette position est toutefois contestée par de nombreux observateurs, experts et économistes qui soutiennent qu’il existe d’autres choix que ceux faits par les deux paliers de gouvernement et qui pourraient éviter les mesures actuelles d’austérité qui conduisent au « charcutage » de nos services publics.
On mentionne notamment la décision du gouvernement fédéral de doubler le plafond des CELI – une mesure à laquelle le gouvernement québécois a décidé d’emboîter le pas – et qui profite essentiellement aux mieux nantis. Qui, dans la classe moyenne peut, année après année, mettre de côté 10 000 $ dans un compte CELI? Cette mesure prive le trésor public de sommes importantes qui auraient pu être investies dans les services à la population.
Le même raisonnement s’applique du côté des Régimes enregistrés d’épargne retraite. Quelle famille de la classe moyenne peut investir 23 000 $ dans un compte REER? Encore là des économies d’impôts qui profitent à une infime minorité alors que les finances publiques sont sous pression.
Le gouvernement Couillard espère « en gendrer » d’ici cinq ans des investisse ments de 22 milliards de dollars dans son plan Nord. Un plan qui permettra aux transnationales d’extraire notre minerai pour aller le transformer ailleurs. Pourtant, souligne-t-on, la transformation rapporte beaucoup plus que l’extraction. Il y a là, dit-on, un important manque à gagner qui aurait pu être injecté dans nos services publics. Notamment en santé et en éducation.
La décision d’octroyer à Bombardier 1 000 000 000 US $ pour le développement de la filière CSeries, et cela sans aucun droit de regard dans la gestion de l’entreprise, constitue, selon plusieurs, un choix risqué. On ne compte plus les subventions fédérales et provinciales qu’a reçues Bombardier au cours de son histoire. La Chine travaille à mettre au point un avion équivalent. N’aurait-il pas été préférable, soutient-on, d’utiliser cette fabuleuse somme pour conserver ou créer des emplois dans notre service de santé et notre réseau d’éducation.
L’entêtement du gouvernement à maintenir l’abolition de la taxe sur le capital pour les entreprises financières constitue, pour nombre d’experts, un choix qui nous coûte cher collectivement. Trimestre après trimestre, les institutions financières déclarent des milliards de profits. On dénonce également le comportement des banques qui profitent des largesses de l’État et facilitent le recours aux abris fiscaux pour les mieux nantis. Des institutions qui vont même jusqu’à refuser de se présenter devant la Commission parlementaire chargée d’étudier… l’évasion fiscale.
Enfin, on souligne que les subventions accordées aux entreprises par le gouvernement du Québec représentent le double de ce que l’Ontario accorde aux siennes. Pourtant, le sort de celles-ci est enviable au plan fiscal, comme en témoigne le dernier rapport de PricewaterhouseCoopers qui classe le Canada au 9e rang des pays qui taxent le moins les entreprises, alors que les États-Unis se situent au 47e rang et l’Allemagne au 68e. Autant d’argent dont l’utilisation pose question pour nombre d’observateurs.
Jacques Parizeau disait un jour que faire de la politique c’était choisir les orteils sur lesquels il allait devoir marcher. Le gouvernement Couillard a fait ses choix.