Valérie Delage, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, décembre 2015
Il faudra bien s’occuper un jour des relations entre les différents peuples qui cohabitent au Québec et au Canada. Il faudra bien, un jour, s’écouter les uns les autres, apprendre à se connaître pour se respecter, comprendre pour ne plus chercher à dominer, écraser ceux qui nous confrontent dans nos valeurs par leur différence.
En attendant, je souffre d’appartenir à une société qui traite une partie de ses membres avec autant de condescendance. « On leur a offert la chance de devenir aussi évolués que nous, on leur offre des avantages qu’on n’a même pas et tout ce qu’ils font, c’est boire, se bagarrer, violenter les femmes et les enfants. » Cette attitude colonialiste raciste et assimilatrice, exprimée encore trop souvent de façon plus ou moins subtile, ne cesse de me révolter.
Pendant que nous critiquons, à raison bien sûr, les horreurs humaines per pétrées au Proche-Orient, que nous jugeons la manière dont sont traitées les femmes dans les pays à dominance islamiste, nous tournons le dos aux 1200 femmes disparues probablement en raison d’abus et de violence sous notre propre nez, et dans le beaucoup trop lourd poids du silence de notre consentement collectif.
Notre nouveau premier ministre nous promet une commission d’enquête. Quelques policiers de Val-d’Or vont probablement se faire taper sur les doigts en guise d’exemple, comme si le problème se limitait à un cas isolé. Il est pourtant le fruit d’une société qui n’accorde pas la même valeur à tous ses membres. Une société qui laisse les gens en situation de pouvoir abuser des plus faibles.
Ce n’est pas d’une énième étude qui devrait nous permettre de mieux cerner le problème, mais surtout de gagner du temps, dont nous avons besoin, mais bien de courage et de volonté pour mettre en place les mesures déjà réfléchies et proposées depuis longtemps. De courage pour modifier en profondeur et une bonne fois pour toutes une société qui ne respecte ni sa propre Charte des droits et libertés de la personne ni la Charte canadienne des droits et libertés. Je ne connais qu’un seul moyen d’y parvenir : l’éducation, pourtant si malmenée ces temps-ci. L’éducation à la connaissance des Premières Nations, mais aussi l’éducation sans compromis des Autochtones pour leur permettre de défendre leur culture dans tous les domaines où se prennent des décisions.
J’ai soif d’écouter ces femmes autochtones nous parler de leurs valeurs, de leurs aspirations, de leur vision d’un pays égalitaire pour mieux les respecter. Mais il ne leur appartient pas seulement à elles de revendiquer leurs droits à une société plus juste. C’est mon droit de citoyenne d’être informée et éduquée pour comprendre les différents peuples qui composent mon pays. C’est mon devoir de citoyenne de transmettre cette éducation à chaque occasion où je suis témoin de propos discriminatoires envers tout membre de ma communauté.
C’est surtout notre devoir collectif de s’assoir ensemble, de communiquer, d’écouter, de bâtir d’égal à égal une société plus riche de la différence de chacun.
Il faudra bien…