Nous aussi, nous sommes Québec

Catherine Dorion, Droit de parole, Québec, novembre 2015

La flopée de députés conservateurs que Québec vient d’envoyer à Ottawa ont réveillé une fois de plus l’incompréhension orageuse d’une partie de la province envers le « mystère Québec ».

Oooorrf. Lâchez-moi avec le mystère Québec. Ce n’est pas parce que la propagande médiatique change de couleur dans d’autres régions (et que les résultats électoraux suivent en conséquence) que leurs habitants sont moins manipulés, moins étourdis, moins désorientés, moins coupés d’eux-mêmes et moins fatigués. Le mystère n’est pas à Québec, il est aux quatre coins de l’Occident.

Étrangement, parmi les plus motivés dans la flagellation de Québec se trouve une bonne proportion d’originaires de Québec qui, par quelque hasard de leur existence, se sont tirés de la place. Je me retiens d’écrire que s’ils ne sacraient pas tous systématiquement leur camp, les drettistes danseraient moins, parce que je sais que ça ne dépend pas vraiment d’eux (il faut ben travailler, il faut ben vivre, etc.). Mais cogner sur ce qu’il reste d’une ville après que l’hyper-concentration culturelle métropolitaine ait tout scrapé sur son passage, ça montre juste un gros manque de vision globale.

La réplique la plus fréquente de ces ex-citoyens de Québec dédaigneux de la tendance droitisante de la ville, c’est : « Je voulais y rester, mais je ne me sentais pas parmi les miens avec ces gens-là. J’avais envie d’habiter dans un endroit qui me ressemble davantage.»

Sincèrement ? Ne me bullshittez pas, por favor. Si vous vouliez vraiment rester à Québec, vous auriez simplement changé de quartier. Vraiment ? Vous allez me dire que vous vous sentiez seuls de votre gang dans Saint-Jean-Baptiste ? Dans Limoilou ? Dans Saint-Roch ?

Cet argument traduit seulement leur habitude d’analyser Québec d’après ce qu’ils entendent dans les médias et non plus par leur expérience véritable de la ville.

La plus belle réponse à ça, c’est le cinéaste de Québec Samuel Matteau qui l’a formulée sur Facebook : « Je vis certainement dans une bulle autistique au centre-ville, mais pour moi Québec est avant tout une ville de créateurs et de créations. L’effervescence est tellement forte dans la Capitale; plusieurs le ressentent, plusieurs le vivent, plusieurs y contribuent. Le niveau de talent ici est vraiment incroyable. Et j’aime bien l’idée d’avancer dans l’adversité d’une ville plus conservatrice et moins curieuse… ça pousse les artistes à constamment retravailler leur façon de toucher le public. »

C’est peut-être ça, entre autres, qui nuit à la gauche québécoise : le fait qu’elle se défile trop souvent devant l’adversité. Non ! Osons !

 

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