Et si c’était nous…

Josée Panet-Raymond, L’Itinéraire, Montréal, le 15 novembre 2015        

Depuis des mois, il n'y a pas un jour qui passe sans qu'on ne soit témoin d'une image déchirante d'un enfant extirpé de la mer en Grèce ou en Turquie, de bateaux de fortune surpeuplés dérivant en haute mer ou de nuées de gens épuisés, qui traversent des pays d'Europe à pied. La crise des réfugiés syriens fait mal à voir. À moins d'être insensible ou indifférent à la souffrance d'autrui, il est difficile de ne pas ressentir de la compassion pour ces gens qui risquent leur vie et celle de leurs enfants pour échapper à l'enfer.

Les bulletins de nouvelles en parlent quotidiennement. Tout comme les médias sociaux qui diffusent des reportages provenant du monde entier. Google et Facebook sont devenus pour beaucoup de gens les sources principales d'information, ou dans bien des cas, de désinformation. Autant y trouve-t-on des élans et démonstrations de solidarité humaine, autant l'intolérance et t'ignorance pullulent sur les réseaux sociaux.

Des sites de désinformation, qui répandent les théories du complot, galvaudent de fausses images de terroristes qui se faufilent parmi les migrants ou encore affirment que la photo du petit Aylan Kurdi trouvé noyé sur une plage turque a été mise en scène se multiplient sur te web.

Bien sûr, il nous revient à tous de faire preuve de discernement et de pensée critique et de vérifier les sources d'information lorsque des histoires du genre nous arrivent sur nos pages Facebook et Twitter.

 

Propagande à la vitesse du grand V

 

Cependant, cette propagande se propage à la vitesse grand V, accompagnée de commentaires qui ne servent qu'à lui donner du poids.

Ce qui désole encore, ce sont les mots de lecteurs que l'on voit sur tes sites de nouvelles conventionnels. Que ce soit Le Journal de Montréal ou Radio Canada, la médisance ne fait pas de discrimination.

On y trouve des affirmations comme : «Ces gens-là, qui ne partagent pas notre culture, vont apporter leurs problèmes chez nous». On craint que les terroristes (ceux-là mêmes que fuient les civils syriens) se cachent parmi les réfugiés. On y accuse ces «migrants» de quitter leur pays pour améliorer leur sort.

Ça pour améliorer leur sort, je suis plutôt d'accord. Moi aussi je voudrais « améliorer mon sort» si j'étais prise entre une guerre, une révolte et des attaques meurtrières.

Depuis 2011, cette guerre civile menée par le dictateur Bachar al-Assad contre les rebelles qui opposent son régime et exacerbée par Daesh (l'État Islamique) qui sème la mort et la terreur sur tout le pays pousse la population syrienne à l'exil. On dénombre près de 300 000 morts depuis les débuts des conflits et plus de quatre millions de personnes ont fui le pays pour échapper à cette folie. Un pays qui se vide littéralement de son sang … Et c'est sans compter les réfugiés afghans et irakiens qui se joignent aux rangs des exilés.

Nous devons et pouvons accueillir un grand nombre de ces réfugiés, et je crois que nous avons non seulement la capacité et l’espace pour le faire, mais aussi le devoir de leur ouvrir les portes. Pour ceux et celles qui en doutent, il suffit de se mettre dans leur peau.

Imaginez si c'était nous. Imaginez que du jour au lendemain, notre ville est la cible de tirs et de bombes qui proviennent de toutes parts. Que nos quartiers, nos écoles, nos édifices sont réduits à un amas de débris et que les cadavres jonchent la rue. Que nous comptons nos amis et de nombreux membres de notre famille parmi les victimes. Imaginez que l'exil est la seule option de survie. Ne voudriez-vous pas qu'un pays comme le nôtre vous ouvre ses portes ?

 

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