Lorsque la violoniste devient luthier

Roger Lafrance, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, novembre 2015

On peut dire sans trop se tromper que Julie Bastien est née pour le violon. Quand, à huit ans, elle a convaincu ses parents de jouer de cet instrument, elle ne se doutait certainement pas qu’il allait être au coeur de sa vie plus de 30 ans plus tard.

« Pourquoi le violon? répond-elle lorsqu’on lui pose la question. Je ne sais pas. J’avais vu jouer du violon et je trouvais que c’était un bel instrument. Je voulais en jouer. » Julie Bastien n’est pas qu’une musicienne accomplie. Elle enseigne le violon à son école de musique et se fait aussi luthier à ses heures. Ces trois facettes de sa vie professionnelle tournent toutes autour du même instrument, le violon.

« Bien sûr, j’aime jouer devant les gens. J’aime transmettre mon savoir-faire, pouvoir toucher les gens par les émotions qui me transportent. Avec la lutherie et l’enseignement, les trois se complètent bien. » Elle se souvient de son premier contact avec un luthier. Elle était alors très jeune et traversait, à ce momentlà, une période plus difficile dans son jeu, se mettant même à douter de son talent. Un luthier, qu’elle croisa par hasard, lui confia alors que son problème n’était pas son talent, mais plutôt son instrument qui était en mauvaise condition.

Le déclic véritable pour la lutherie s’est fait beaucoup plus tard, alors qu’elle jouait pour les touristes dans le Vieux-Québec. Elle apprit l’existence d’une école de lutherie à Québec. Elle se dit alors que la lutherie pourrait être un complément à sa vie de musicienne.

« Je me suis toujours vue violoniste, raconte-t-elle. Par contre, je n’ai jamais voulu jouer dans des orchestres, car je n’aime pas la compétition. La lutherie est pour moi une façon de mettre en pratique mon côté artisan. » Il faut trois ans d’études pour devenir luthier. Les étudiants apprennent tous les aspects de la fabrication et de la réparation du violon. Ils sont aussi amenés à comprendre l’instrument dans ses plus infimes détails, ainsi que toute la science de ses sonorités. Ce métier a ouvert de nouvelles avenues à la musicienne qu’elle est.

« La lutherie m’a apporté le sens de l’observation. En lutherie, tu dois beaucoup observer, analyser l’instrument. Cela m’aide beaucoup dans l’enseignement, par exemple à comprendre ce qui ne va pas chez un élève. » « Pour être un bon luthier, tu ne dois pas être nécessairement un violoniste chevronné. Tu dois surtout avoir une bonne oreille. L’aspect acoustique est extrêmement important. »

Dans son atelier, on retrouve tous les instruments pour travailler le bois. Elle répare les violons qu’on lui confie, les remet à neuf et leur redonne leur lustre et leur sonorité d’antan. La fabrication d’un violon demande trop de temps pour être rentable. Sa seule exception : le violon sur lequel elle joue et qui l’accompagne partout où elle se produit. « J’en suis fière, exprime-t-elle. Mon violon a un beau son. Il me permet de donner l’expression que je veux à travers mon instrument. » Musicienne, enseignante, luthier, trois facettes qui se complètent à merveille et qui lui permettent de gagner sa vie grâce à sa passion.

« Je me considère choyée, même si j’ai dû travailler fort pour développer mon entreprise. C’est d’ailleurs mon côté entrepreneure qui me permet aujourd’hui de gagner ma vie avec la musique. »

 

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