La région maskoutaine, terre d’accueil

David-Alexandre Grisé, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, novembre 2015

Saint-Hyacinthe est un pôle d’intégration immigrante depuis plus de 15 ans. Le visage de l’agglomération maskoutaine prend des couleurs, des accents et des saveurs nouvelles. Cette ouverture sur le monde indéniable se doit d’être racontée par ceux qui y travaillent activement.

De 2004 à 2013, tout près de 2 000 nouveaux arrivants ont été accueillis dans la MRC des Maskoutains, et ce, principalement par le biais du programme d’intégration des immigrants de la Maison de la famille des Maskoutains. Son dernier bilan nous apprend que pas moins de 346 immigrants, dont 96 réfugiés, ont été intégrés par l’organisme. Chaque personne, ou famille, est suivie pour une période de cinq ans et divers efforts et moyens sont mis en branle afin d’établir : une vigile à la santé (physique et psychologique), la francisation, l’intégration des enfants à l’école, une intégration au logement et diverses références dans la communauté. Évidemment, les réfugiés issus de l’immigration humanitaire nécessitent beaucoup plus d’interventions comparativement aux migrants économiques.

 

Le choc culturel et les difficultés

 

Mme Jubilee Larraguibel, coordonnatrice du programme, nous apprend qu’au début, les nouveaux arrivants vivent une phase d’enchantement. Ils trouvent la paix, des nuits sans bombes et un accueil chaleureux de la part des Maskoutains. Quelques semaines plus tard, le doute et les difficultés apparaissent malheureusement. Ce sont des problèmes langagiers (même pour ceux parlant français), d’intégration à l’emploi et l’on voit poindre certains enjeux financiers. De plus, dans bien des cas, les parents se trouvent eux-mêmes à la traine comparativement aux enfants!

M. Carlos S. Martinez, directeur, nous explique que l’écart culturel est plus grand chez les récentes cohortes et que les efforts respectifs d’intégration doivent être doublés. Somme toute, les difficultés sont surmontées, mais elles renvoient certainement aux propriétés de chaque individu (âge, éducation, attitude).

 

Saint-Hyacinthe est un bon pôle d’accueil

 

Questionnés à savoir si la ville peut suffire aux besoins des nouveaux arrivants, les deux intervenants ont clairement fait savoir que l’on dispose localement de services complémentaires et adéquats, ainsi que de bons emplois. « Techniquement, tout est là, mais nous aurions intérêt à développer plus de partenariats », nous rapporte Mme Larraguibel. Quant à lui, M. Martinez nous indique que nous devons sensibiliser tous les intervenants aux réalités et aux besoins des immigrants, surtout ceux de nos réfugiés. De plus, un travail continu doit être fait à l’égard de certaines attitudes. Depuis le début du programme en 1999, une ouverture est palpable selon nos interlocuteurs. De plus, il subsiste une réelle ouverture du côté de la ville et des liens sont réguliers entre les deux instances.

 

Vers l’avenir…

 

Sur la question syrienne, la Maison de la famille se dit prête à recevoir les prochaines cohortes de réfugiés telles qu’annoncées par les autorités canadiennes et québécoises d’immigration. Par contre, l’organisme est encore dans le néant et les décisions sont toujours éminemment politiques. La situation sera à suivre. Il est à rappeler que la majorité des immigrants aspirent à la paix ou souhaitent une vie meilleure pour eux-mêmes ou pour leurs enfants.

Ils conçoivent Saint-Hyacinthe comme une petite ville où tout est possible et personnalisé. Mme Larraguibel tient à nous aviser que les nouveaux arrivant veulent et peuvent prendre une place dans la communauté et c’est à ce moment bien précis que nous pouvons parler d’une intégration réussie.

 

 

 

Réinventer son bonheur

Caroline Lavoie, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe, novembre 2015

Saint-Hyacinthe, 54 000 habitants et une situation des plus enviables en ce qui a trait à l’emploi. Pas étonnant que « Saint-Hyacinthe la jolie » ait la cote auprès des nouveaux arrivants. Selon Statistique Canada, entre 2006 et 2011, Saint- Hyacinthe a accueilli 930 immigrants, pour une moyenne de 155 par année, et il semblerait que cette tendance soit à la hausse. Tous ces migrants ont choisi Saint-Hyacinthe comme terre d’accueil pour poser leur valise et réinventer leur bonheur, mais y sont-ils parvenus?

S’il existe des méthodes bien établies pour mesurer la croissance économique d’un pays, d’une province ou d’une ville, il est plus hasardeux d’y quantifier le bien-être des individus qui y vivent. L’une des difficultés réside dans le fait que la signification du bien-être varie d’une personne à l’autre. En 2012, un rapport commandé par la Conférence des Nations unies visait à démontrer statistiquement et scientifiquement les variations du bonheur selon les pays. Quelque 158 pays ont alors été sondés selon une combinaison de mesures subjectives et de données objectives liées aux différentes sphères de vie qui contribuent au bien-être d’un individu.

Par exemple, comme données objectives, nous y retrouvions le revenu par habitant, la santé, l’éducation, les services sociaux, les activités rémunérées ou non, la qualité de l’environnement, la liberté, ainsi que la sécurité physique et économique. En ce qui a trait aux critères plus subjectifs pris en compte, il y avait le sentiment de sécurité, l’inquiétude, les expériences positives et négatives, la fierté, le stress, la colère, etc. En 2015, le Canada s’est classé en tête de liste avec une honorable 5e position.

À l’échelle nationale, selon les résultats de deux vastes enquêtes dévoilées par Statistique Canada en avril 2015, il semble que l’âge, la situation de l’emploi et l’état de santé soient des éléments de corrélation avec la satisfaction à l’égard de la vie, sans oublier le sentiment d’appartenance à la communauté et une série d’autres facteurs économiques et sociaux. Cela dit, les petites collectivités comme Saint-Hyacinthe, qui regroupent 250 000 habitants et moins, ont un indice de bonheur supérieur aux grandes agglomérations urbaines.

 

Sonder le cœur des immigrants

 

C’est donc sans grille à la main, mais guidée par les critères d’évaluation de ces recherches que je suis allée à la rencontre de nouveaux arrivants, afin de sonder leur indice de bonheur en terre maskoutaine.

J’ai d’abord rencontré Paola, 34 ans, d’origine colombienne. Elle habite Saint-Hyacinthe avec son mari et ses 2 enfants depuis 6 ans. Elle se dit aujourd’hui très heureuse, mais se souvient d’avoir éprouvé beaucoup de tristesse, d’anxiété et de découragement les premières années de son arrivée ici. «

L’emploi, ç’a été difficile » dit-elle, en raison de la langue qu’elle ne maîtrisait pas et qui s’avérait essentielle pour exercer dans son domaine professionnel. Cela a nécessité un retour aux études et a eu comme impact une perte significative de revenus pour sa famille. « Plusieurs personnes m’ont offert leur aide. Des organismes m’ont donné des vêtements pour mes enfants, de nouveaux amis m’ont accueillie chez eux, des employeurs ont eu confiance en moi et je leur dis merci pour tout ça! ».

J’ai aussi fait la connaissance de Bachir, 31 ans, d’origine irakienne. Il a d’abord habité six mois à Montréal avant de venir rejoindre des amis à Saint-Hyacinthe, il y a de cela un an. Lorsque je lui ai demandé s’il était parvenu à réinventer son bonheur ici, un long silence a suivi. Je l’observais intérieurement remonter le temps de ses souvenirs à la recherche de mots pouvant synthétiser la charge émotive que cette simple question évoquait. « Je ne sais pas » m’a-t-il dit, « je croyais que ce serait plus facile ». Bachir est ingénieur de formation, mais les démarches auprès de cet ordre professionnel pour faire reconnaître sa formation sont longues et onéreuses. Il cumule les petits boulots en attendant et il mentionne avoir du mal à joindre les deux bouts et à maintenir sa motivation. «

Mon bonheur c’est d’avoir autour de moi des amis, mais aussi des professionnels qui croient en moi, des gens extraordinaires qui m’aident à franchir les étapes et je les remercie d’être là ».

Paola, Bachir, Fazila, Houda, Djako, Roman, Tarik, Odélis, Djamel, Leititia, Inna, Fabio… Chacun a son histoire qui l’a conduit jusqu’ici et chacun a sa façon d’évaluer le bonheur qu’il y a trouvé, mais, malgré tous les aléas de leur parcours singulier, ils ont tous exprimé beaucoup de reconnaissance envers les gens qui les ont accueillis comme voisin, client, collègue, ami, employé, partenaire. Cette ouverture de la communauté, tant sur le plan personnel que professionnel, semble grandement favoriser leur sentiment de bien-être et leur intégration dans la communauté. Comme quoi le bonheur est un sentiment individuel qui bat au rythme des valeurs de sa collectivité.

 

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