Sommes-nous allergiques à l’église ?

Dominique Boisvert, L’Évènement, Scotstown, septembre 2015

Les églises sont de plus en plus désertées. À Scotstown comme ailleurs. L'église catholique comme les autres églises protestantes. Au point que plusieurs sont déjà vendues et que les autres peinent à survivre. Pourquoi? Je ne parlerai pas, ici, du rôle social ou communautaire que nos diverses églises ont joué dans nos villages et municipalités. Ni des questions qui se posent quand vient le temps de décider si on doit fermer ou vendre l'église du village.

Je veux plutôt réfléchir sur la distance que la plupart d'entre nous ont pris peu à peu avec tout ce qui touche la religion : on a d' abord abandonné la « messe du dimanche » (dans le temps où il y en avait partout tous les dimanches), puis même la « pratique occasionnelle ». Puis nos enfants ont cessé les cours de catéchèse. Il Y a déjà longtemps qu'on ne se marie plus à l'église. Et nos enfants sont de moins en moins baptisés. Il reste encore souvent les funérailles; mais même là, les temps changent et elles sont souvent remplacées par une petite cérémonie au salon funéraire. Bref, non seulement l'église n'occupe plus la place centrale qu'elle occupait du temps de nos parents ou grands-parents, mais elle est peu à peu devenue marginale et on semble se débrouiller très bien sans elle.

Mais est-ce vraiment le cas? Les grandes questions de la vie (d'où on vient, où on va, y a-t-il quelque chose après la mort, quel est le sens de tout cela) ne sont pas disparues. Et le besoin d'y trouver des réponses personnelles est plus présent que jamais. À constater les difficultés de plusieurs jeunes (et moins jeunes), les suicides, les dépressions, les « fuites » dans la drogue ou dans l'alcool, on peut penser que la société d'aujourd'hui n'a pas encore trouvé de réponse satisfaisante à ces questionnements de toujours. Je suis personnellement convaincu que les hommes et les femmes d'aujourd'hui, mes concitoyens de Scotstown et des environs, sont aussi bons et bien intentionnés que les chrétiens d'autrefois qui fréquentaient régulièrement les églises.

Mais j'ai l'impression qu'ils se privent aussi, sans le savoir, de ressources et de richesses remarquables qui sont pourtant là, à leur disposition. Ressources et richesses qui leur permettraient de mieux vivre encore, d'être plus heureux.

C'est ce que j'ai voulu dire dans le petit livre qui vient d'être publié par les éditions Novalis: Québec, tu négliges un trésor! J'y explique que les Québécois sont les héritiers d'une riche tradition qu'ils ont peu à peu oubliée, souvent pour d'excellentes raisons d'ailleurs, et qui est comme un trésor enfoui dans un vieux coffre rouillé et pourri qui a été remisé au fond de la cave ou du grenier.

Si bien que nos enfants, et encore plus nos petits-enfants, ne savent même plus qu'ils sont héritiers de quelque chose, et encore bien moins de quoi au juste! Quant on a été « couché sur le testament » de quelqu'un, la moindre des choses, ne fût-ce que par curiosité, c'est d'aller voir chez le notaire de quoi se compose l'héritage et quelle est notre part de celui-ci. C'est ce qu'on appelle accepter l'héritage « sous bénéfice d'inventaire », c'est-à-dire qu'on l'accepte temporairement, le temps d'aller vérifier par soi-même, avant de l'accepter définitivement, si l'héritage contient plus de positif que de négatif.

Pour moi, l'Évangile, qui est la bonne nouvelle annoncée par Jésus de Nazareth, est un véritable trésor qui a malheureusement été peu à peu caché ou même défiguré par l'Église à travers les siècles. Ce qui était d' abord un message d'amour personnel et d'accueil inconditionnel est devenu une sene de règles, d'interdictions et de rites. Ce qui était au début un rassemblement volontaire de disciples s'est transformé en appartenance culturelle (le baptême) ou en obligation hebdomadaire (la messe dominicale) dont le sens s'était perdu à travers le temps.

Bref, le trésor qu'est le message de l'Évangile a peu à peu été terni et masqué par les comportements du messager (les Églises) chargé de l'annoncer. Et les critiques, souvent justifiées, qu'on avait contre le messager ont fini par nous faire oublier le précieux message dont il était porteur. Alors, sommes-nous devenus « allergiques » à l'Église? J'ai souvent l'impression que oui, à voir notre réaction spontanée à tout ce qui se rapporte, de près ou de loin, à l'Église (le rassemblement des croyants) ou à l'église (le bâtiment). Comme si on ne voulait surtout pas être identifié à l'une ou l'autre. Et c'est dommage, du moins à mon avis. Pas parce que j'aimerais ramener quiconque à l'Église, ou encore moins remplir à nouveau nos églises: je n'ai rien à vendre et aucun intérêt personnel dans l'affaire! Mais je suis convaincu que le message d'amour de Jésus de Nazareth a encore toute son actualité en 2015, et que chacun d'entre nous peut encore y trouver un grand profit personnel. Et qu'il est dommage de s'en priver uniquement par « allergie» ou par réflexe conditionné.

 

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