Qu’est-ce que la gestion de l’offre?

James Allen, Le Tour des Ponts, Saint-Anselme, octobre 2015

Si vous avez suivi moindrement les actualités ces dernières semaines, vous avez certainement appris que de nombreux producteurs agricoles du pays ont été inquiétés puis fâchés par tout ce qui entoure le Partenariat Transpacifique (PTP). Vous avez probablement entendu parler de gestion de l’offre, un système auquel tiennent les producteurs de lait, de volailles et d’œufs. Mais, la gestion de l’offre, qu’est-ce que ça mange en hiver? Je vais tenter de vous l’expliquer.

Tous les pays développés prennent des mesures pour protéger leur agriculture, particulièrement dans les pays qui ont déjà connu la faim lors des grandes guerres mondiales. Au Québec et au Canada, nous n’avons jamais vraiment manqué de nourriture. C’est peut-être pourquoi certains pensent malheureusement que ce n’est pas si important de soutenir notre agriculture.

Il y a autant de formes d’aides qu’il y a de pays et de types de production. Certains injectent des sommes d’argent sous différentes formes, par exemple sous forme d’assurance pour compenser les années plus difficiles dans certaines productions agricoles. D’autres taxent l’entrée massive de produits étrangers, afin de protéger leur économie, leur production et la qualité de leurs produits.

Certains pensent que les agriculteurs bénéficient d’une grande aide de l’État. Ce n’est pas tout à fait le cas. En effet, chaque produit agricole en provenance des gros marchés que sont les États-Unis, le Japon et l’Union européenne est davantage subventionné là-bas qu’au Canada. Tous ces pays font d’ailleurs partie soit de l’Accord économique commercial et global (AECG), soit du PTP.

L’Union européenne verse 55 milliards $ par année à ses producteurs laitiers. Les États-Unis versent 4 milliards $ par année aux leurs. Du côté du Canada, rien du tout. Comment les producteurs laitiers canadiens font-ils pour s’en sortir? Avec la gestion de l’offre. Les producteurs et l’industrie sous gestion de l’offre établissent le meilleur équilibre possible entre l’offre et la demande de leurs produits au pays. Les producteurs ne produisent ainsi que la quantité nécessaire dont les consommateurs ont besoin.

Cela permet d’éviter du surplus ou de la rareté, donc d’éviter de créer une trop forte fluctuation des prix néfaste pour tous. Pour que la gestion de l’offre fonctionne, le marché doit être protégé. Sinon, des pays exportateurs qui subventionnent leurs producteurs (comme aux États-Unis), qui disposent d’un climat impossible à concurrencer (comme en Nouvelle-Zélande), de règles moins exigeantes et d’une main d’oeuvre bon marché, envahiraient notre marché.

C’est pourquoi les producteurs de lait, de volailles et d’œufs canadiens sont inquiets des deux brèches qui ont été créées dans la gestion de l’offre avec l’AECG et le PTP, en plus d’ouvertures déjà existantes pour des produits comme le beurre de Nouvelle-Zélande, etc.

Pour le lait, c’est environ 8 % du marché qui est ouvert aux importations. Ces 8 %, ça peut sembler peu, mais ce sont 8 % de moins que nous pouvons produire ici, avec nos normes de qualité supérieure, nos normes environnementales supérieures et nos normes de bien-être animal supérieures. Certains politiciens et certains chroniqueurs affirment que la gestion de l’offre n’a pas été touchée. Pourtant, les 2 % de pertes de marché que les producteurs laitiers canadiens ont subi avec la signature de l’AECG, c’est un peu comme si on avait coupé une oreille à quelqu’un en lui disant que son corps continue de fonctionner.

Avec les 3,25 % de pertes de marché pour la signature du PTP, c’est un peu comme si on lui avait coupé un doigt. Oui, la personne demeure un être humain fonctionnel, mais jusqu’où se permettra-t-on d’aller?

Il faut aussi ajouter que les pays où la gestion de l’offre a été abolie n’ont pas connu de diminution significative du prix de leurs produits sur les tablettes. La plupart du temps, c’est une hausse qui a été constatée.

De plus, le gouvernement fédéral a promis des compensations de 4 milliards $ pour les producteurs et transformateurs touchés par cette perte de marché. C’est donc dire que nous tous, contribuables canadiens, allons subventionner une industrie qui n’en avait pas besoin, pour payer nos produits au même prix. C’est dommage.

 

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