Alexandra Guellil, L’Itinéraire, Montréal, le 15 octobre 2015
Dans son nouveau documentaire, Hélène Choquette aborde une des réalités liées à l'itinérance d'un regard à la fois franc et touchant. En suivant ces hommes et ces femmes, la réalisatrice s'est concentrée sur un élément clé et rassembleur : leurs relations avec leurs chiens, leurs compagnons et amis.
Ils s'appellent Dan, Joe Dog, Edison ou encore Sandy et vivent dans la rue, dans une voiture ou dans une maison de chambre. Tous ont en commun le fait de connaître une situation de pauvreté et d'exclusion sociale et d'être accompagnés par Rozy, Tamara, Messy, Buck, ou Baileys, leurs chiens, qui sont bien souvent tout ce qui leur reste.
En 53 minutes, Chienne de vie nous fait voyager de Montréal à Toronto en nous confiant les histoires de ces personnes bien souvent jugées par les passants. Pendant qu'elle travaillait sur son précédent documentaire, Les discrètes, portant sur les Sœurs de la Providence, Hélène Choquette s'est intéressée de plus près à la place Émilie-Gamelin à Montréal.
En marchant pour se rendre au travail, la réalisatrice a vu un homme qui vivait dans la rue faire une overdose. «À côté de Iui, il y avait son chien complètement paniqué et déboussolé», se souvient-elle. Une fois les secours arrivés, elle s'est alors imaginé ce que serait la vie de ce jeune homme s'il n'avait pas eu son chien, et sa réaction à son réveil s'il ne le voyait pas.
Pour la réalisatrice, le sujet de l'itinérance est souvent abordé de façon homogène en passant sous silence tous les paramètres, autres que le logement, du phénomène. «À travers l'animal, pour qui nous avons une compassion naturelle, c'était un prétexte pour tracer un portrait de l'itinérance», explique-t-elle. Voilà donc un documentaire sans aucun spécialiste ou statistique qui a le mérite de s'articuler autour d'histoires et de témoignages réels confiés par les premiers concernés, ceux qui vivent au quotidien l'itinérance et l'exclusion sociale.
Une relation hors du commun
Pendant près d'un an et demi, la réalisatrice a suivi sept personnes âgées de 22 à 52 ans afin de montrer les différentes facettes de l'itinérance. « Je crois que les personnes qui vivent dans la rue qui ont un chien possède aussi un instinct de survie qui les maintient en vie.»
Les différentes histoires le prouvent, les chiens ont besoin d'attention, de nourriture et d'un endroit où dormir en sécurité et de préférence au chaud. Plusieurs l'admettent d'ailleurs, ils seraient capables de tout donner pour leur chien, quitte à se priver eux-mêmes tant que leur animal est confortable. Certains vont même jusqu'à dire que leur chienne remplace une présence féminine, amicale ou familiale puisqu'il s'agit du seul être selon eux qui s’inquiètent de leur état de santé. «Un des personnages dit d'ailleurs qu'un jour son chien était tanné de coucher dans la slush. À travers son chien, il a vu comment il vivait. L'animal rappelle à la personne qui vit dans la rue ses besoins fondamentaux», complète- t-elle.
Cette relation traverse différents états humains allant de l'apprivoisement, l'affection, la fidélité en passant par la soumission, la dépendance et la liberté. Des états qui vont d'ailleurs dans un double sens tout au long du documentaire grâce à différents témoignages de ces personnes connaissant soit une dépendance, l'exclusion sociale ou même parfois une maladie mentale.
Pour mener à bien ce projet, Hélène Choquette s'est rapprochée de deux recherchistes de deux générations ayant une connaissance du milieu de la rue ou ayant vécu dans la rue. Les surprises et parfois les drames ont été nombreux pendant cette année de tournage. «Quand on vit dans la rue à Montréal et que l'hiver approche, surtout le mois de novembre, il faut comprendre que c'est un moment difficile.» Un mois qui est souvent synonyme pour plusieurs de dépressions menant dans le meilleur des cas à une volonté de s'en sortir au moins pour leur animal. «J'ai présenté leur réalité sans porter de jugement. Ce n'est pas un film tout à fait sombre, mais il est difficile», conclut-elle.