Gens de chez nous

Rosanne Aubé, Au fil de La Boyer, Saint-Charles-de-Bellechasse, octobre 2015

Un bonjour accompagné d’un regard souriant, ça ne change pas le monde, mais ça peut nous faire du bien ou nous questionner… Un soir en août, je me promenais en vélo sur l’avenue Royale. Je prenais le temps de regarder… J’ai ressenti une douce émotion quand je suis passée devant la maison où j’ai grandi et qui fut habitée jusqu’à l’an dernier par ma belle-sœur, Lucille Picard, l’épouse de mon frère Raymond, tous deux décédés. Sur la galerie avant de la maison voisine, un monsieur d’un certain âge se berçait. Il m’a saluée avec un beau sourire… Ma curiosité fut piquée et j’ai su par mon ami Yvan qu’il se nommait Léo, qu’il était jasant et qu’il faisait plein de maquettes, des bateaux surtout. Curieuse, je voulais en savoir davantage sur cet inconnu. Un coup de téléphone et le rendez-vous fut pris.

Par un bel après-midi ensoleillé, M. Léo Therriault m’attendait avec un large sourire, et là, j’ai bien vu la couleur de ses beaux yeux. Bleu vert comme la mer! Né à Lévis, ce septuagénaire a vécu toute sa vie sur le bord du fleuve Saint-Laurent en face de Québec. Ce goût de l’eau, il le tient aussi de son grand-père paternel, originaire du bas du fleuve qui a habité près de chez lui.

Léo, capitaine de bateau? Pas du tout! Croisiériste? Non plus! Léo est un menuisier, un bricoleur et présentement un maquettiste. Retournons en arrière. Après sa 7e année, ses études terminées, c’est avec son grand-père qu’il a appris à travailler le bois et est devenu menuisier. Avec les années, il fut contremaître, superviseur en construction et a eu sa propre entreprise.

Depuis 8 ans, il est à sa retraite officielle, c’est ce qu’il dit! Mais aux dires de sa conjointe, Huguette Sylvain, surnommée affectueusement «mon ange gardien» par Léo, elle trouve qu’il bricole beaucoup! Le couple demeure à Saint- Charles depuis mai 2014 et tous les deux apprécient leur entourage cordial. Habile de ses doigts, patient, très ingénieux, Léo s’est découvert une passion depuis cinq ans. Toute une vraie! Fabriquer des maquettes de bateaux célèbres comme : le Titanic, le Queen Mary II, Maersk Line (compagnie) Emma, le Minéralier, le France, l’Empress of Ireland, La Licorne de Tintin, notre fameux pont de Québec et présentement une goélette.

Son atelier est bien outillé, organisé. C’est son refuge… Impressionnant de voir ces milliers de pièces minuscules qu’il fait lui-même à partir de matériaux recyclés. Tout cela tient ensemble et représente très bien le modèle choisi. À sa façon, Léo, le rêveur, sillonne les mers du monde entier. Il aimerait bien un jour faire une croisière entre Québec et New York. Pince-sans rire, il m’a dit qu’il n’a connu que le bateau de la traverse Lévis-Québec et le Camille Marcoux, disparu depuis!

Puisse son rêve se réaliser prochainement! Brièvement, je résume la méthode de notre autodidacte. Une fois son modèle choisi, Huguette, son internaute officielle, fait des recherches, lui imprime des photos et, durant au moins 3 mois, Léo étudie les plans, lit la nomenclature concernant le sujet à reproduire. Il en rêve même la nuit! Et un bon matin, il se sent prêt et commence la construction, en trois dimensions, à échelle réduite, du modèle papier qu’il a devant lui. Il ne faut pas être pressé. J’ai remarqué que le couple ne porte pas de montre. Pas besoin de savoir l’heure, Léo prend le temps. Mais moi, je voulais savoir à peu près le temps de travail pour ses maquettes, comme le Titanic par exemple qu’il a vendu. Se grattant la tête, il avance une moyenne entre 500 et 600 heures de travail. C’est un travail de moine!

Mais son discours et toujours son sourire en disent long sur ce travail qu’il adore et qui l’aide à s’épanouir. Il expose à l’occasion ses oeuvres et fait partie de l’association artiste et artisan du grand Lévis (A.A.G.L.)

Huguette, semi-retraitée, s’intéresse beaucoup à ce que fait Léo. Artiste elle aussi, elle ajoute son grain de sel à l’occasion. Entre les deux, complicité et humour sont palpables. Née à Saint- Jacques-de-Leeds, elle a grandi à Scott en Beauce avec vue sur les montagnes. Elle adore la nature, les fleurs principalement. Sa formation en administration l’a amenée à travailler à Toronto une vingtaine d’années. Des cours de fleuriste suivis par ses soirées l’ont amenée à changer de cap. Déménagée à Saint-Nicolas, durant 7 ans, elle s’occupera de sa boutique de fleurs. Travail exigeant qui l’amènera à ralentir. Huguette s’est découvert (depuis 13 ans) une passion «le Pergamano», l’Art du Parchemin ou plus simplement «Dentelle de papier». Ignorante, c’est le mot qui me convient! Je ne sais rien de cet art ancien réapparu en Hollande il y a 20 ans.

Huguette m’a montré ses cartes de voeux et tout son matériel spécialisé : papier parchemin (essentiel), patrons, poinçons, aiguilles fines, ciseaux effilés, etc. À partir d’un patron, elle trace sur du papier parchemin et ensuite pique, perfore, embosse, cisèle. Cette technique demande de la précision dans le geste, de la patience, de la concentration et du temps. Une carte lui prend entre cinq et six heures. Originale, personnalisée, il n’y en a pas deux de pareilles!

 

 

 

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