La « machine à plonger »

Gaston Deschênes, L'Attisée, Saint-Jean-Port-Joli, octobre 2015

Ce n’est pas d’hier que les Saint-Pierre sont reconnus pour leur esprit créatif. Il y a près de 200 ans, un membre de cette famille est monté à Québec pour obtenir une aide fi nancière afin de perfectionner sa « machine à plonger ».

Dans une pétition déposée le 8 février 1831, « ClémentDessaint dit St-Pierre, de Saint-Jean-Port-Joli », déclare qu’il est « l’inventeur d’une certaine Machine, dont l’effet est de descendre avec sûreté et sans danger à une très grande,profondeur dans les Fleuves et Rivières, et au moyen de laquelle, le Plongeur y demeure plusieurs heures consécutives, y marchant et agissant avec toute la facilité possible ».

Le prénom du pétitionnaire est peu fréquent chez les Saint-Pierre de l’époque. Le seul Clément qui correspond à ce profil est né à Saint-Jean-Port-Joli, le 12 janvier 1795, du mariage de Joseph Saint- Pierre et de Françoise Gagnon. Le 28 avril 1828, il a épousé Geneviève Frigault qui lui donnera au moins deux enfants, Clément (1833) et Marie- Opportune (1834).

Pour étudier la pétition, la Chambre d’Assemblée du Bas- Canada crée un comité spécial présidé par Jean-Charles Létourneau, député de L’Islet. Le 14 février, Clément Saint-Pierre y est invité pour donner des détails sur son invention et son « utilité ».,Avec sa machine, l’inventeur déclare être « demeuré sous l’eau à diverses fois pendant une heure et demie et avoir pu marcher facilement au fond, [se] ployer, et exécuter librement toutes sortes de mouvements ». Il a fait des essais devant « quantité de personnes […] en particulier MM. Jean-Marie Bélanger et Michel Ouellet, de St-Jean. « Ce sont eux, dit-il, qui m’ont calé, c’est-à-dire qui sont demeurés à la surface afin de me retirer en cas de danger au moyen de cordes. Je suis remonté de moi-même facilement ».

Saint-Pierre prétend qu’il pourrait demeurer sous l’eau plusieurs heures de suite sans être incommodé même à une quarantaine de brasses si sa « machine était arrangée suivant le plan qu’il a montré aux députés. Il n’y aurait pas plus de danger que dans une maison. L’inventeur a cependant besoin d’aide; il demande cent et quelques louis pour les matériaux seulement , mais il se chargera « de la façon ».

Malheureusement, après avoir entendu le pétitionnaire, le comité conclut le 21 février 1831 qu’il ne croit pas les renseignements obtenus suffi sants pour justifier, quant à présent, l’application de deniers publics.

De quoi avait l’air cette « machine à plonger »? Une sorte de scaphandre? de bathyscaphe? de sous-marin? Le plan exhibé devant le comité ne semble pas avoir été conservé et on perd aussi la trace de l’inventeur. Ni lui, ni sa femme, ni ses deux enfants ne sont décédés à Saint-Jean. Une fille, Julienne (qui pourrait bien être celle qui a été baptisée « Opportune »), est inhumée à Saint-Roch de Québec en 1852, ce qui porte à croire que la famille a quitté Saint-Jean-Port-Joli quelque temps après la comparution du père au Parlement du Bas-Canada.

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