Tournage dans le Vieux-Montréal : Les commerçants grincent des dents

Antoine Aubert, Échos Montréal, Montréal, septembre 2015

Voir une star internationale dans le Vieux-Montréal a presque pris, ces dernières années, les allures de banalité. De Kevin Spacey à Joseph Gordon-Levitt, en passant par Brad Pitt et les X-Men, tous ont fait un tour par le quartier dans le cadre d’un tournage.

Si les passants, les fans ou les paparazzis sont aux anges, les commerçants font quelquefois grise mine. En cause : les désagréments causés par les fermetures des rues, un sujet d’autant plus d’actualité que l’été a vu les tournages se multiplier, selon divers témoignages.

« Ce n’est pas que ça me dérange et, bien sûr, ils ne sont pas en train de tuer la "business", mais ça crée pas mal de désagréments », constate Allan Bonilla, gestionnaire général du café Tommy (sur la rue Notre-Dame), du bar à tapas Santos et du restaurant Dolcetto & Co. (tous deux sur la rue Saint-Paul).

Parmi les principales contrariétés, les places de stationnement qui « disparaissent » le temps des tournages sont souvent évoquées. Pour les commerçants mécontents, l’équation est simple : qui dit impossibilité de se garer, dit clients en moins. « Ceux qui viennent chez nous ont un certain âge, ils ne voudront certainement pas marcher », confirme Samy Ousset, propriétaire de La Gargote, situé sur la Place d’Youville.

Parmi les autres désagréments, Allan Bonilla évoque également les retards dans les livraisons dus aux blocages de certains accès. « Et ce n’est pas comme si les équipes de tournage venaient ensuite manger chez nous. Ils ont déjà leurs propres cuisiniers », ajoute-t-il.

De son côté, Stéphanie Carreras, gérante du café-épicerie Cantinho de Lisboa, sur la rue Saint-Paul, remarque que des progrès ont été faits cette année. « Ça se passe mieux, notamment parce que les équipes de tournage ont mis des pancartes pour signaler que des commerces sont ouverts malgré la fermeture de certains passages  », indique-t-elle.

 

Montréal « jamais mise en valeur » ?

 

Pour autant, la restauratrice remarque toujours une moins grande fréquentation de son établissement lors des tournages. « Au moins, désormais ils nous avisent à l’avance, donc on peut anticiper. Je peux réduire mon personnel lorsque certaines rues sont bloquées », observe-t-elle.

La propriétaire de la boutique Maison espace Pépin, Lysianne Pépin, semble, elle, enchantée. Elle apprécie le comportement des producteurs américains : « Ils sont également très généreux quand il s’agit des dédommagements, autour de 750 et 1000 $ par soirée ». « Puis tant que ça fait bouger Montréal, moi je suis pour », ajoute-t-elle.

Samy Ousset reconnaît que ces plateaux de cinéma représentent « une belle carte de visite pour la ville »… mais de manière limitée seulement. « Oui, ils tournent à Montréal, mais dans le film, ce n’est pas Montréal qu’on voit. La dernière fois, c’était censé se dérouler aux Pays-Bas. Montréal n’est jamais réellement mise en valeur », explique-t-il. Le propriétaire de la Gargotte ne partage non plus l’avis de Lysianne Pépin concernant les compensations financières : « Ils nous ont donné des places de stationnements gratuites pour mon équipe.

C’est bon pour mon personnel, mais ça ne change rien pour les clients ».  Une certaine disparité semble ainsi de mise au niveau des dédommagements alloués aux commerçants. Ils dépendraient du bon vouloir des productions. « De toute façon, ce qu’ils nous donnent ne compense jamais les pertes causées par la fermeture des rues », soutient Allan Bonilla.

Les règles pour filmer se sont par ailleurs assouplies avec le temps : au début des années 2000 les plateaux de tournages devaient obtenir l’assentiment de 75% des commerçants et 90% des résidents.  Cela n’est plus le cas aujourd’hui. Les commerçants mécontents rencontrés par Échos Montréal se sont dits hostiles à toute contestation officielle. « C’est une perte de temps, ça ne servirait à rien », selon Allan Bonilla.

 

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