Marie-Andrée Clermont, Le Journal des citoyens, Prévost, août 2015
Il n’y aura plus de messes à l’église Sainte-Anne-des-Lacs après le 27 septembre. Manque de prêtres, fidèles trop peu nombreux. C’était à prévoir : la pratique religieuse décline au Québec depuis la Révolution tranquille. Les prêtres vieillissent sans qu’il y ait de relève.
Les fidèles vieillissent et les jeunes générations délaissent l’église. Alors, c’est la fin des messes à Sainte-Anne-des-Lacs. Sauf que… les fidèles ont l’impression de se faire arracher quelque chose de fondamental et se mobilisent. Des démarches ont été entreprises auprès de Monseigneur Pierre Morissette, évêque du diocèse, pour le maintien des messes au-delà de la date fatidique.
À la séance du Conseil municipal de Sainte-Anne-des-Lacs, le 10 août, une résolution en appui à la communauté chrétienne a été adoptée et la mairesse Monique Monette-Laroche a promis son soutien inconditionnel à cette cause.
Que perdront les fidèles au juste quand cesseront les messes?
• La foi ? Non, ils continueront de croire en Jésus et en son message d’amour.
• La possibilité d’aller à la messe? Non, ils iront à Saint-Sauveur, à Prévost ou ailleurs.
• L’accès aux sacrements, aux funérailles ? Non, ils auront accès aux baptêmes, mariages et funérailles à Saint-Sauveur ou ailleurs.
Ce qui sera perdu, c’est l’appartenance à la communauté chrétienne de Sainte-Anne-des-Lacs, qui s’est tissée au fil des ans depuis 1940. Les assistances, autrefois nombreuses, se réduisent aujourd’hui à une quarantaine de participants chaque dimanche – mais ces quarante personnes se retrouvent avec plaisir pour prier, chanter avec la chorale, partager les nouvelles, s’entraider, se réjouir du bonheur des uns, compatir à la douleur des autres.
— Quoi? Toi, tu crois en Dieu? Tu vas à l’église? Je n’en reviens pas! Moi qui te pensais intelligente!
Un collègue m’avait lancé cette boutade dans les années 1990. De vingt ans mon cadet, il était célibataire, enthousiaste, plein d’énergie. Sa boutade m’avait fait réfléchir. Oui, j’ai la foi. J’adhère surtout au génial message de Jésus : Aimez-vous les uns les autres.
Oui, je vais à l’église. J’ai besoin de me recueillir, de réfléchir, de m’unir à une communauté pour prier. Ceci dit, je comprends pourquoi la pratique religieuse a décliné. En tant que femme, j’ai longtemps rêvé qu’un virage soit pris pour faire place au sacerdoce féminin. J’aimerais que mes amis divorcés ou homosexuels soient accueillis à l’église. J’accepte mal la position de Rome sur le contrôle des naissances et l’avortement…
Dans les années 1960, le Concile Vatican 2 avait pourtant insufflé un grand élan d’espoir et de liberté, qui s’est, hélas! estompé par la suite. Si je continue à croire malgré tout, c’est que l’enseignement de Jésus n’a jamais perdu sa pertinence. Il y a en moi un espace que ne nourrissent ni la culture, ni la musique, ni les arts, ni les conversations, ni rien d’autre… mon petit coin intime de silence, de prière et de réflexion. Appelons ça spiritualité.
J’ai aussi besoin de créer des liens avec des personnes qui s’abreuvent à la même foi que moi. J’ai revu mon ancien collègue il y a quelques mois. Un homme mûr, marié, divorcé, remarié, père de cinq enfants. Heureux. Encore rempli d’énergie, épanoui par la paternité.
— Tu sais, m’a-t-il avoué, je vais à l’église moi aussi, maintenant. Nous avons trouvé une paroisse où nous sentons une réelle appartenance. C’est une femme qui en est pasteure. Nous participons toute la famille à la préparation et au déroulement des offices, aux œuvres communautaires, à la soupe populaire, aux activités d’entraide. Je trouve important que mes enfants aient cette dimension dans leur vie.
Et voilà! Tout est dit. La foi, ce n’est pas seulement adhérer à un message, c’est aussi le mettre en pratique dans un engagement social. Prier ensemble, c’est une chose. Se soutenir collectivement, c’en est une autre. Mettons tout cela en symbiose et on a une communauté chrétienne. C’est cette communauté chrétienne qui est menacée d’extinction à Sainte-Anne-des-Lacs.