Faire renaître Shawbridge

Paul Germain, Le Journal des citoyens, Prévost, juillet 2015

Quand j’avais 10 ans et mes culottes courtes, il y avait à Shawbridge trois épiceries, deux ferronneries comme on les appelait dans le temps, un barbier, un salon de coiffure, un motel, un bar, quelques restaurants et garages, une boulangerie et toute une vie dans un village tranquille.

La boulangère, madame Urichuck confectionnait des éclairs à la crème qui demeurent dans mon esprit, encore aujourd’hui, ce que l’on peut connaître de meilleur dans la vie après l’amour. Mais à 10 ans, ça, je ne le savais pas encore. Les années ont passé. Tout me semblait immuable dans mon patelin figé dans l’espace et le temps, au grand désespoir de l’adolescent que j’étais devenu, toujours à la recherche de nouveauté et ne rêvant que de partir de ce bled intemporel.

Au début des années 80, le Québec est entré dans la «modernité ». Il fallait maintenant tout planifier, dont l’organisation du territoire : schéma d’aménagement, règlement de zonage, plan d’urbanisme, etc. C’est alors que les élites bien pensantes de Prévost ont décidé, au nom de la revalorisation de la localité, que l’activité économique de la rue Principale et de la rue de la Station serait transférée vers la route 117. Les commerces avec leurs bric-àbrac, et parfois un joli capharnaüm, ne devaient plus côtoyer les immeubles résidentiels; intentions louables, destin tragique.

La 117 devait se transformer en pôle de la ville moderne que Prévost allait devenir avec de beaux grands magasins neufs. Jeune adulte, j’ai toujours eu l’intuition qu’il s’agissait d’une erreur. Élizabeth, la fleuriste ne pouvait plus vendre ses roses dans sa maison, les commerçants chassés de la proximité des gens, vers le grand boulevard sans âme et avec son large terreplein.

Trente ans plus tard, à Shawbridge, le bureau de poste s’est retrouvé orphelin. Le coeur du village n’est plus que des artères oubliées. Les Prévostois, anciens et nouveaux, sentent qu’ils ont perdu quelque chose. On palpe le vide. La 117 a attiré des magasins de grandes tailles et l’urbanisme leur a fait toute la place. Tout s’est déplacé vers le sud.

Pendant ce temps, les commerces de proximité peinent à trouver des loyers abordables. Il faut aller ailleurs pour trouver son pain; sur la rue Principale, à Saint-Sauveur ou sur la rue Morin, à Sainte-Adèle, des villages qui ont eu la sagesse de conjuguer le passé avec le futur. Faire renaître Shawbrigde Revaloriser Shawbridge, c’est autre chose que de faire du ravalement de façade. Le temps a démontré que cette politique avait ces limites. Revaloriser Shawbridge, c’est s’assurer qu’une vie de village reprenne racine. C’est permettre et encourager l’établissement de commerces de proximité tel que des services professionnels, des cafés, des épiceries fines, etc. C’est d’assouplir le plan d’intégration architectural de la Ville qui empêche les initiatives et des fois font fuir des boutiques comme la petite papeterie.

Bien sûr, les habitants du quartier devront être consultés et surtout écoutés, mais je crois sincèrement que tous auraient intérêt à retrouver des facilités dans ce secteur. Ce qui ajoutera des atouts à Prévost. Il ne s’agit pas d’arrêter ce qui se fait ailleurs dans Prévost, au contraire, mais de permettre à chacun de trouver sa place et son village. De remettre un village dans la ville. Shawbridge est le quartier limitrophe à la 117 à la hauteur de la rue de Station près de l’ancienne gare.

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