Bob Harrisson, le petit drummer devenu un grand chanteur de blues

Daniel Touchette, L’Itinéraire, Montréal, le 15 juin 2015

Le Québécois Bob Harrisson, d'abord batteur du groupe de rock Offenbach, est aujourd'hui un bluesman reconnu par le public et par ses pairs. Nous l'avons rencontré au Bistro à Jojo, le célèbre bar de Montréal où il s'est produit régulièrement.

Bob Harrisson a grandi dans les Cantons de l'Est. Son père  et sa mère étaient musiciens, ils animaient des noces un peu partout dans la région. Sa mère était pianiste. Son père jouait plutôt pour le fun, il pratiquait plusieurs instruments sans connaître la musique.

Après les répétitions, les musiciens ramenaient leurs instruments avec eux. Seule la batterie restait chez les parents de Bob, et c'est comme ça que Bob s'est développé une passion pour le drum à l'âge de six ans. Son père a tout de suite vu que son fils avait du potentiel. Dès l'âge de neuf ans, il s'est mis à accompagner le groupe de ses parents.

C'était plus rentable pour son père, car il payait Bob au Seven Up, plutôt que de payer un vrai batteur. Bob a essayé plusieurs styles de musique. Il a d'abord commencé par jouer du western. En Ontario, Bob s'est retrouvé à faire de la batterie avec une foule de grands noms comme Willie Nelson. À dix-huit ans, il est déjà reconnu dans le milieu comme étant le meilleur drummer country. C’était une bonne expérience mais il n'aimait pas vraiment ça. Avec son frère Jacques, il a formé le groupe Dillinger, et a fait notamment la première partie de Rush dans les années 1970. Il a ensuite été le premier batteur d'Offenbach. Après des années de gros shows rock, il a redécouvert le blues.

Cette musique simple, basée sur trois accords, réside dans l'intensité qu'elle dégage et dans l'interprétation des musiciens. C'est là qu'il a décidé de lâcher la batterie pour le chant. En voyant le film Les Blues Brothers, qui est toujours son film préféré aujourd'hui, Bob a eu le goût de chanter le blues. Il a formé le Bob Harrisson Blues Band et a commencé à chanter dans les bars et les grands rassemblements de blues du Québec. Il a organisé ses propres festivals, et a fait jouer des artistes de renommée internationale comme BB King.

 

Bob, tu as joué au Festival de blues de Mont-Tremblant, devant 30000 à 50000 personnes, mais tu as aussi joué dans des bars avec à peine 100 personnes. Comment comparerais-tu les deux?

Au point de vue sentimental, il n'y a aucune différence. Quand on joue, on a la satisfaction personnelle de la soirée qu'on fait ou de la manière qu'on joue. Ce qui est important, c'est l'ensemble du band et la couleur qu'il apporte. Dans les gros shows, on peut avoir l'impression de manquer d'intimité. Mais l'intimité, c'est le partage musical qu'on cherche avec les gens qui nous écoutent, c'est là qu'on voit si c'est mission accomplie ou non.

 

Quelle a été ta plus belle expérience dans le blues?

Une chose qui m'a marqué, c'est la première fois qu'on a fait le Forum avec Offenbach en 1979. Je n'ai jamais eu autant la peur de jouer de la musique de toute ma vie. Il y avait 100 000 personnes, j'étais déjà nerveux. Pas à peu près nerveux, mais très nerveux. J'étais le premier à monter sur le stage. Là, les gens se sont mis à crier, ça a fait du vent, ça a déplacé l'air. J'ai senti physiquement une pression et j'ai reculé d'un pas. Quand j'ai embarqué sur le drum, j'ai crié tout le long de la première tune pour faire ressortir ma nervosité.

 

Le stress, tu connais encore ça?

À tous les shows, même les petits, j'ai toujours peur,  j'ai toujours été comme ça. Mais dès que la première chanson  est partie, c'est fini.

 

Quel est le musicien qui t'a le plus inspiré?

C’est difficile de répondre à cette question. J'ai toujours eu la chance de travailler avec des bons musiciens, comme Paul Deslauriers ou Steve Hill. Chacun a apporté sa couleur et je me suis nourri de tout ça. Je ne peux pas vraiment dire qui m'a apporté le plus.

 

Quand tu as commencé à accompagner des groupes western, imaginais-tu devenir un artiste de blues reconnu comme aujourd'hui?

Non, parce que j'étais drummer et qu'un drummer est toujours en arrière. Un jour, j'ai tenté l'expérience de partir en avant de la scène. Je n'étais pas un bon chanteur mais j'ai quand même essayé et ça a marché. J'apprends encore à chanter. Actuellement. en faisant mon album, je prends la tune que je viens d'enregistrer, je l'écoute, je m'aperçois que ce n'est pas tout à fait ça et je recommence. Je suis plus méticuleux.

 

As-tu tout le temps eu cette voix?

J’ai tout le temps chanté comme ça, mais aujourd'hui je n'ai plus besoin de forcer ma voix, l'ai encore une nervosité et je vais toujours chercher mes chansons avec mes tripes, mais je chante mieux aujourd'hui.

 

Comment expliques-tu que le blues ne soit pas très populaire au Québec?

Au Québec, on est francophone. Et en général, le blues ne plaît pas aux Français. Les Québécois ont tendance à aimer les paroles poétiques. Les paroles dans le blues, ce n'est pas un grand char, ce n'est pas de la poésie. Les couleurs bluesy, expliquer l'amour, dire à une fille que tu l'aimes, c'est plus facile en anglais. Ceux qui vont apprécier le blues, c'est pour le feeling général qu'ils vont ressentir.

 

En tant que vétéran du blues, dirais-tu que le blues a changé à travers les années?

Le blues est moins tabou qu'avant. mais on a aussi plus de place pour travailler qu'avant. À partir des sessions blues en province, on a développé beaucoup de festivals. Mais à un moment donné, les gens sont passés à autre chose. Ce n'est pas tout le monde qui aime le blues. Les gens aiment le blues quand ils l'entendent, mais quand le show est fini, ça ne les intéresse plus.

 

Tu as réalisé un de tes rêves, qui était de faire le Forum, As-tu d'autres rêves aujourd'hui?

Ça ne serait pas un gros show,  j'ai soixante-cinq ans, ce qui m'importe, c'est vraiment de sortir un bon album qui soit très bien apprécié. Quels que soient les spectacles que ça va apporter, ça va me faire plaisir de les faire. Un bon album, ça sera ma carte de visite pour entrer dans le monde du blues avec fierté. Aujourd'hui, je me considère comme un artiste, j'ai une oreille musicale. Mais je n'ai pas encore eu la crème de la crème. Il me manque ce petit bout-là.

 

 

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