De camelot à chroniqueuse

Francine Chatigny, La Quête, Québec, juillet-août 2015

Le zoom camelot de l'édition du premier juillet 2014 de L'Itinéraire qui présentait Marie-Andrée Baril comme la camelot du métro Préfontaine, se terminait ainsi : « qui sait, peut-être que les lecteurs pourront la suivre dans les pages du magazine ». Moins d'un an plus tard, Marie-Andrée Baril a signé une quinzaine d'articles dans le magazine de rue montréalais, remporté un prix pour l'un d'eux, été élue au comité de rédaction de l'édition spéciale 100 % Nous ainsi que participé à un stage en journalisme à La Presse. Rencontre avec celle qui se décrit aujourd'hui comme une chroniqueuse de rue.

Cela fait près de deux ans que Marie-Andrée a joint la grande famille de L'Itinéraire. Elle y est entrée comme camelot, mais a rapidement commencé à écrire. « J'ai toujours écrit et j'ai une formation académique universitaire » soutient la jeune trentenaire. Voilà qui dément l'un des préjugés – ils sont analphabètes et sans culture – attribués aux camelots. Marie-Andrée ne peut juste pas encaisser la pression et soutenir le rythme exigé dans les milieux de travail contemporains.

Ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais elle a dû se résigner à accepter son trouble anxieux – une séquelle de son enfance – et à mettre une croix, du moins momentanément, sur sa vie professionnelle de travailleuse sociale. À L'Itinéraire, elle gère son horaire et se met le niveau de pression qu'elle veut.

 

Une plume qui prend son envol

 

Son premier texte est un mot du camelot. « J'expliquais avoir enfin trouvé ma place avec L'Itinéraire ». Rapidement, et même si elle doute de ses compétences, Marie-Andrée se lance dans l’écriture de chroniques. « Je suis très critique envers moi-même, mais les autres me disaient que j’avais une bonne plume ». Le domaine des arts l’attirant tout autant que les causes sociales, l’apprentie chroniqueuse cible les vedettes engagées. Elle fait sa première grande entrevue avec l’actrice Isabelle Blais, porte-parole de l'édition 2014 de la Journée d’Action contre la Violence Sexuelle Faite aux Femmes.

Auparavant, elle avait cosigné une critique de Pour réussir un poulet de Fabien Cloutier, une pièce de théâtre traitant de pauvreté. Cet article s’est mérité le troisième prix de la catégorie critique lors du dernier congrès de l’Association des médias écrits communautaires. Cette « tape dans le dos » l'encourage à poursuivre et à soumettre sa candidature pour le stage à La Presse.

 

6 jours chez les pros

 

Sélectionnée, avec quatre de ses collègues, Marie-Andrée a participé à la mi-juin à ce stage. Les journalistes Michèle Ouimet et Katia Gagnon ont initié les camelots à l'écriture de presse en leur donnant de la théorie – comment écrire un lead, choisir un angle, hiérarchiser l'info, etc.- en plus de vraies affectations.

« La première, ça été avec Christiane Desjardins. On a couru dans le Palais pour trouver une bonne histoire à couvrir. C’était du sport ! ». Marie-Andrée a également couvert un colloque sur les gangs de rue. « C’était les résultats d'une recherche sur 212 jeunes. C’était intéressant – et dans mon domaine en plus – mais la difficulté pour cet article, c’était de vulgariser l’information ».

À la dernière affection, les stagiaires étaient soumis à la réalité des journalistes : la course contre la montre. « Avec André Duchesne, on est allé interviewer 5 artistes, [dont Xavier Dolan] qui ont prêté leur voix dans le film d’animation américain Sens dessus dessous. Il fallait remettre l'article à 16 h. Chaque fois que j’apportais mon texte, il me le faisait corriger. Je l'ai repris quatre fois. C’était vraiment de l’adrénaline ».

Forte de son apprentissage à La Presse, Marie-Andrée utilisera ce bagage pour signer davantage d'articles dans le magazine de rue. « C’est clair que je continue avec L'Itinéraire. C’est un milieu où je peux être vraie et mettre mes limites », conclut la chroniqueuse de rue.

 

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