L’espèce était irrémédiablement vouée à l’extinction

Audrey Tawel-Thibert, Le Journal des citoyens, Prévost, juin 2015

Il y a 100 ans, la tourte voyageuse disparaissait de la surface de la Terre. Comptant autrefois entre trois et cinq milliards d’individus dans l’espace aérien nord-américain, la dernière tourte s’est éteinte le 1er septembre 1974 en captivité. Le destin de cette espèce était-il inéluctable? Le biologiste Pierre Dupuy a proposé une réponse à cette question lors d’une conférence le 27 mai dernier à la gare de Piedmont.

Présentée par l’organisme à but non lucratif (OBNL) Les Amis de la Réserve Alfred-Kelly, en collaboration avec le Comité régional pour la Protection des Falaises (CRPF), la conférence exposait la biologie et les causes de l’extinction de la Tourte voyageuse. Mentionnée pour la première fois en 1534 dans les écrits de Jacques Cartier, puis par Samuel de Champlain en 1605, la tourte a marqué l’histoire. Plus tard, en 1664, le seigneur de Boucherville Pierre Boucher rapportait que les Iroquois capturaient environ 400 oiseaux par coup de filet…

 

La biologie de la tourte

 

Au Québec, les tourtes voyageuses arrivaient en mai et quittaient en septembre pour le sud des États-Unis. La tourte voyageuse, de son nom latin Ectopistes Migratorius, était de la famille des colombidés. Son physique aérodynamique lui permettait d’atteindre 100km/h.

Les colonies mesuraient 80 km2. On comptait jusqu’à 100 nids par arbre, par colonie. Les tourtes ne couvaient qu’une ou deux fois par année, pondant un oeuf par couvée. Les « dortoirs » caractérisaient les tourtes, rassemblant des millions d’oiseaux en fin de journée, dans la forêt ou dans des marécages. Il paraît que le bruit de leur passage s’apparentait à un orage…

 

Son extinction

 

La chasse et la perte d’habitat ont sonné le glas de l’espèce. Illimitée, la chasse se pratiquait au fusil ou au filet. On chassait la tourte pour sa chair et à des fins récréatives. Des caches étaient installées, des appâts étaient confectionnés. Quand une colonie passait dans le ciel, les gens tiraient à bout portant pendant des heures. Des concours de tir étaient également organisés. Avec l’arrivée du train et du télégraphe, la chasse à la tourte s’est commercialisée; des chasseurs professionnels communiquaient via le télégraphe quand les tourtes arrivaient par milliers et se rejoignaient en train. Les oiseaux, une fois abattus, étaient dépecés et envoyés par « horse-express » pour éviter que la chair ne se gâte.

La perte d’habitat est l’hypothèse prioritaire. En 1880, la coupe forestière atteignait des sommets. De 1800 à 1900, la capacité de support de l’habitant vivait une baisse de 50%. Les colonies et les dortoirs se dispersaient dans des espaces forestiers de plus en plus restreints, signant l’arrêt de mort de l’espèce, considérant que les tourtes voyageuses avaient avantage à vivre en bandes de forte densité pour s’alimenter et se reproduire.

Pour M. Dupuy, la chasse constante et irréfléchie a initié l’extinction de la tourte, mais n’explique pas le fait que la tourte était incapable de vivre en population à faible densité. Cette conférence aura permis à l’audience d’élargir ses réflexions, car plusieurs parallèles ont été évoqués, lors de la période des commentaires, avec notre société contemporaine où le système capitaliste est maître, entraînant une perte de biodiversité alarmante.

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