Paul-Alexis François, Le Monde, Montréal, juin 2015
Le discours de réception de Dany Laferrière à l’académie française, la plus prestigieuse institution littéraire du monde, selon lui, a commencé par son unique rencontre avec son prédécesseur Hector Bianciotti et s’est terminé par Hector Bianciotti. Il y a là matière à réflexion. Je me demande pourquoi est-ce que la vénérable institution française a-t-elle opté pour Laferrière et Bianciotti pour occuper le fauteuil numéro 2 de l’Académie française.
En plusieurs occasions, il mentionne Legba dans son discours. Legba se profile dans chacun de ses romans. Il lui a permis de rencontrer Bianciotti. Il lui a défendu de me rencontrer personnellement. Il est présent sur son épée d’académicien. Chapeau bas Legba, tu as un cheval très soumis et reconnaissant. Avec tout le respect que j’ai pour toi, mon Dieu est celui de Jésus de Nazareth en Palestine. Il me permet lui aussi d’écrire et de passer du monde visible au monde invisible comme Jésus le faisait quand il marchait sur les eaux ou quand il pénétra au Cénacle le jour de la Pentecôte.
Il fait mention dans son discours de la France trafiquante de personnes humaines originaire d’Afrique qui a été mise à la porte en Haïti tout en gardant sa langue. Erreur monumentale, selon moi. Sinon, les autorités françaises de vil pain ne seraient pas revenues en Haïti en 2004 pour déporter en Afrique le président démocratiquement élu par la majorité des haïtiens.
Ces guerriers n’avaient rien contre une langue qui parlait parfois de révolution, souvent de liberté, a-t-il dit. Faux, la plupart de ces guerriers et de leurs descendants ont toujours refusé de s’en servir. Ils ont inventé leur propre langue aujourd’hui parlé et écrite par des millions de personnes en Haïti. Il y a un proverbe haïtien qui dit : « Pale franse pa di lespri pou sa » c’est-à-dire que « Parler français ne veut pas dire pour cela être intelligent». Même Legba, après l’avoir interrogé au sujet de l’immortalité des académiciens, semblait déçu de l’entendre dire que c’est la langue qui traverse le temps et non l’individu qui la parle, mais que cette langue ne perdurera que si elle est parlée par un assez grand nombre de gens. Il est parti en murmurant : « Ah, toujours des mots… » Je reprends les mots utilisés par Dany Laferrière lui-même. Peut-être que Legba voulait lui rappeler que les haïtiens ont payé le grand prix pour l’éduquer en français de la maternelle è l’université. En plus d’accepter de donner généreusement aux dictateurs de la France en 1825 des milliards de dollars américains pour les remercier d’avoir contribuer è enlever des millions d’africains pour les exploiter sexuellement et matériellement de façon à financer leurs guerres et renforcer leurs économies, l’élite bilingue haïtienne s’est servi de l’argent de millions d’haïtiens unilingues haïtien pour la promotion de la langue française. Ces millions de congos ti zorèy unilingues haitianophones ont eu droit à un grand silence dans le discours de Dany Laferrière.
Monsieur Laferrière parle de ceux qui ont occupé avant lui le fauteuil numéro 2 : Dumas, Borges, Valéry, Whitman, Jean-François de Beauvoir, ami de Voltaire, qui participa comme Henri Christophe à la guerre de l’Indépendance américaine sous le commandement du comte de Rochambeau père de général François Donatien Rochambeau envoyé en Haïti par les autorités française de l’époque. Monsieur La ferrière dit de lui qu’il fut le pire bourreau envoyé à Saint-Domingue qui deviendra Haïti après la défaite de l’armée napoléonienne à Vertières. C’est faux de dire qu’il a été envoyé à Saint-Domingue qui deviendra Haïti après. Avant d’être baptisé Hispaniola par les criminels espagnols puis Saint-Domingue par les criminels français qui s’adonnaient à la traite des africains crime pour lesquels ils n’ont jamais été punis ni ne se sont jamais excusés, Haïti était déjà appelé Ayiti, kiskeya ou Boyo par ses premiers occupants. Le général Jan Jak Desalin le leur a rappelé, Laferrière a oublié. . François Donatien Rochambeau fit venir de Cuba des chiens pour chasser les africains en fuite.
Il parle de Bolivar qui séjourna trois mois en Haïti, du 24 décembre 1815 au 31 mars 1816. Épuisé et défait, il chercha de l’aide auprès du général Pétion, alors président de la jeune république haïtienne. Au terme de son séjour Pétion lui fournit un bateau, des hommes et des armes. En échange il lui demanda de libérer les africains et leurs descendants des pays conquis au nom d’Haïti.
Il parle de Dumas qui a occupé aussi le fauteuil numéro 2. Ce n’était pas le Dumas des Trois Mousquetaires mais plutôt son fils, l’auteur de La Dame aux camélias. C’est une africaine qui a donné naissance au général Dumas, le grand-père de Alexandre Dumas fils. Il souligne que le nom Dumas ne vient pas du père, le marquis de La Pailleterie, mais de la mère, une jeune africaine du nom de Marie Louise Césette Dumas. Il ajoute que Montesquieu, avec ses observations critiques et ironiques sur l’esclavage des africains, pourrait se retrouver facilement dans un manuel d’histoire de l’Amérique, puisque l’esclavage des africains est à la base de la prospérité de ce continent.
Il parle des exilés qui se sont adonnés à l’écriture comme lui : René Depestre et Émile Olivier. Il souligne que René Depestre, qui vit à Lézignan-Corbières depuis des années, dit que sa table d’écriture donne sur Jacmel, sa ville natale. Émile Ollivier, qui a passé une grande partie de sa vie à Montréal, affirme qu’il est québécois le jour et haïtien la nuit. Les exilés, nous dit-il, font ça pour que vers la fin, au moment où tout s’obscurcira, ils puissent retrouver le chemin du retour. Exilé, moi-même, je comprends tout à fait ce langage. Il a aussi parlé de ce trio qui a inscrit la dignité africaine au fronton de Paris : le Martiniquais Aimé Césaire, le Guyanais Léon-Gontran Damas, et le Sénégalais Léopold Sédar Senghor. Ce dernier a occupé pendant dix-huit ans le fauteuil numéro 16. C’est lui qui nous permit de passer, sans heurt, de la négritude à la francophonie. Chaque fois qu’un écrivain, né ailleurs, entre sous cette Coupole, dit-il, un simple effort d’imagination pourra nous faire voir le cortège d’ombres protectrices qui l’accompagnent.