Oh là! Oléoduc?

Mélanie LeGrand, Au fil de La Boyer, Saint-Charles-de-Bellechasse, juin 2015

Mars 2015, à Saint-Raphaël, une résolution audacieuse est adoptée à l’unanimité. Une première dans Bellechasse : Saint-Raphaël s’oppose au projet Oléoduc Est de Transcanada.

Simples, mais d’importance capitale, les raisons de cette opposition évoquent des risques environnementaux et de déversement direct; un manque de garanties et de mesures d’urgence; le manque d’engagement de la compagnie face au retrait des infrastructures et la remise en état des lieux, laissant ainsi un grand risque de dégradation des composantes du pipeline dans l’environnement mais surtout, surtout, le fait que le pipeline traverserait plusieurs cours d’eau, dont la rivière Boyer et qu’il s’approchera à moins d’un kilomètre des terres humides et de sources d’eau potable de la municipalité et des résidents.

 

Qu’est-ce qu’Énergie Est

 

Énergie Est est un projet de la compagnie TransCanada pour la construction de 6 oléoducs permettant de transporter la production de pétrole des sables bitumineux de l’Alberta vers différents points d’exportation. Le fameux Keystone XL, dont même le président Obama ne veut pas, fait également partie de ce projet.

Le projet Énergie Est, c’est 1,1 million de barils de pétrole qui passera chaque jour dans un oléoduc mesurant 42 po de diamètre et mesurant environ 4 600 kilomètres de long, qui devait relier Hardisty en Alberta aux futurs terminaux de Cacouna et de Saint-John. Fait à noter, grâce aux pressions sociales, TransCanada a annoncé dernièrement qu’elle ne bâtirait pas son terminal à Cacouna, dans cette aire indispensable pour la survie des bélugas, mais serait à envisager d’autres lieux. Lévis, Baie-de-Sables et Bécancourt sont des lieux qui seraient maintenant convoités. TransCanada, dont le chiffre d’affaires dépasse les 50 milliards de dollars annuellement, essuie plusieurs incidents environnementaux et tout autant d’infractions à la sécurité de ses infrastructures.

On estime pour le projet Énergie Est, dans Bellechasse, une moyenne de 30 mètres de largeur nécessaire pour la construction en milieux boisés et agricoles. Dans les milieux humides, l’emprise varie davantage. Les tuyaux seront enfouis à 0,9 mètre de profondeur en zone forestière et à 1,2 mètre en zone agricole.

 

Les risques environnementaux

 

Une étude indépendante fait mention qu’un pétrolier serait 8 fois plus fiable que le train et 295 fois plus fiable que l’oléoduc et aussi qu’il y aurait 5 000 fois moins de déversement par pétrolier que par oléoduc. Malgré cela, ce sont encore les pétroliers qui frappent notre imaginaire. On pense si fort à l’Exxon Valdez que l’on oublie les tuyaux autorisés sur nos propres terres… Pourtant, 12 déversements d’importance ont touché Keystone, autre pipeline de TransCanada, dans ses premières années. Dans l’historique de la compagnie, on peut noter des taux élevés de rupture de canalisation et d’explosion (rappelons-nous Peace River). D’ailleurs, en 2011, l’Office national de l’énergie a critiqué les inspections inadéquates et la gestion inefficace de TransCanada.

Les risques concernant les pipelines sont connus : déversements au sol, dans les sources d’eau potable, dans la nappe phréatique, dans les milieux humides; incendie; explosion; perturbation des milieux naturels, modification du paysage, etc.

On apprenait dernièrement qu’Hydro-Québec a émis ses craintes concernant l’effet de ses lignes à haute tension sur le pipeline qui les longera et les traversera à plus de 60 fois. Le vieillissement prématuré des pipelines, par exemple celui reliant Ultramar à Montréal, serait dû en partie aux terres humides ainsi que de la proximité des lignes électriques.

On sait d’ailleurs maintenant que le projet Keystone de TransCanada a aussi subi les effets du vieillissement prématuré des pipelines, pour cette même raison, en 2010. Pourtant, la même compagnie n’a pas modifié sa façon de faire et propose à nouveau de suivre les lignes d’Hydro-Québec et de traverser nos rivières et nos milieux humides.

Lors des premières présentations du projet à la MRC de Bellechasse et aux propriétaires fonciers, la compagnie s’est assurée d’utiliser la tragédie du Lac Mégantic, sachant que Saint-Charles a connu des déraillements et des déversements dans sa tourbière, afin de susciter l’intérêt des élus. Pourtant, il est possible qu’elle ait omis d’aviser que sa production devrait tripler dans les prochaines années, emmenant davantage de trains, de transport routier, de pétroliers et de pipelines…

Serons-nous, ainsi que notre environnement, réellement plus en sécurité avec ce pipeline et prêts à accueillir tout ce trafic? À Saint-Raphaël, il a été jugé inadmissible que le pipeline traverse la rivière du Sud. La municipalité, le Mouvement des Amis de la Rivière du Sud (M.A.R.S.) et les citoyens ont réunis leurs forces afin de faire entendre leur opposition. Alors que la rivière Boyer subit encore les contrecoups du déversement accidentel de lisier de 2011, sachant que notre rivière est aussi une prise d’eau potable pour d’autres municipalités, nous, citoyens, organismes et municipalité avons le pouvoir de s’opposer à la traversée du pipeline dans la Boyer.

 

Garanties, mesures d’urgence et engagement de TransCanada

 

Une piètre planification des mesures d’urgences a été démontrée par la compagnie Alors qu’aucune valve de sécurité n’est planifiée près des rivières, et que l’on sait que le délai de réaction est d’environ 22 minutes pour éteindre les pompes en cas de déversement d’hydrocarbures. Les propriétaires touchés, citoyens et élus sont en droit d’exiger une planification sans faille de,mesures d’urgence auprès de la compagnie.

De plus, au niveau du retrait, il appert que l’option d’abandonner les infrastructures après leur utilité soit privilégiée. Ces équipements seront donc en proie à la corrosion, à la dégradation certaine et aux fuites qui pourraient se retrouver dans les cours d’eau, nappe phréatique, etc. Cette façon de faire n’est pas nouvelle pour les grosses corporations. Pensons aux mines abandonnées, aux puits de gaz de schiste, etc. Elleest toutefois nouvelle pour nous, et nous ne comprenons pas toujours les enjeux reliés.

 

Et nous?

 

À l’image de David contre Goliath, près de vingt municipalités et villes (dont Beaumont) se sont opposées au projet qui, lui semble appuyé d’une majorité de partis politiques. En mars 2015, ce fut enfin le cas pour la première municipalité bellechassoise de s’opposer publiquement. Saint-Charles fait partie des quatre municipalité qui accueilleront ce pipeline dans Bellechasse. En effet, une recommandation favorable a été déposée par la municipalité en juillet 2014 à la CPTAQ afin d’autoriser le projet Oléoduc Énergie Est sur le territoire de la municipalité.

Les municipalités se sont montrées favorables en raison des redevances qu’elles recevront (environ 100 000 $ annuellement). Quant à eux, les propriétaires recevront un montant forfaire, soit environ 2,5 fois la valeur de la bande de terrain réquisitionnée. Toutefois, si un bris devait se passer en raison des activités des propriétaires sur leur terrain ou si le bris se faisait par exemple en raison d’un affaissement du pipeline après sa durée de vie utile (laissé sur place), ce sont les propriétaires qui seraient responsables de la décontamination.

Comme les autres municipalités touchées, le conseil de Saint- Charles a adopté une résolution appuyant les propriétaires concernés afin qu’ils obtiennent des redevances annuelles pour la perte de la pleine jouissance de leur propriété. Mais la question demeure, est-ce que les sommes reçues en valent réellement la peine? La diminution de la valeur des terres traversées, les difficultés au niveau des assurances, les risques importants pour l’environnement, pour les générations futures…

Je vous invite à aller voir le tracé pour notre municipalité à l’adresse suivante :http://goo.gl/04FNfmEt la liste des propriétaires touchés, à la fin du formulaire de demande, à cette adresseou seulement à :http://goo.gl/Sa5whs

 

On ne peut rien faire ?

 

Il est possible de prendre exemple sur Saint-Raphaël. Comme TransCanada envoie des agents de liaison pour rencontrer, un à un, les propriétaires ceux-ci se sont regroupés afin d’être plus forts et mieux entendu.s Seuls, on leur disait qu’ils étaient les seuls à ne pas vouloir signer, on leur faisait des pressions induites. Ensemble, ils ont pu se concerter, demander à mieux comprendre ce vol légal des terres patrimoniales, se faire entendre auprès des élus, se rallier à d’autres organisations. Ils ont fait venir Steven Guilbaut, fondateur d’Équiterre à une réunion où les municipalités touchées étaient invitées afin de mieux comprendre les enjeux.

Enfin, ils ont pu travailler de pair avec la municipalité afin de tenter d’obtenir, en vain, des renseignements plus précis de la part de TransCanada qui a fait la sourde d’oreille. Leur devise : « TransCanada a voulu nous isoler, maintenant nous sommes un groupe».

Seul, il est difficile de faire changer les choses, mais ensemble, il est possible de bouger des montagnes. Il est possible de demander aux élus de suivre la voie de Saint-Raphaël, de faire pression pour établir un BAPE à ce niveau. En effet, bien que le gouvernement provincial ne semble pas intéressé à demander une audience publique sur l’environnement, il y serait plus enclin si les municipalités en font la demande. Et ces dernières ne la feront que si les citoyens mettent ce sujet à l’ordre du jour. Ce sont les citoyens qui ont le pouvoir.

 

Quoi et comment faire

 

Comme le projet est pour le moment suspendu en raison de l’abandon de Cacouna il n’est pas trop tard pour se renseigner et de faire valoir ses droits auprès des élus. La compagnie aurait mentionné que le tracé ne connaitrait que de légères modifications et Saint-Charles est encore, pour le moment, dans la mire de la compagnie.

Pour de plus amples renseignements, il est possible de rejoindre les regroupements citoyens suivants : « Coule pas chez nous » à http://www. coulepascheznous.com/ et Stop Oléoduc Bellechasse Lévis à http://www.stopoleoduc.org/ bellechasse-levis/

Au niveau local, il est possible de rejoindre Mme Audet à l’adresse courriel suivante afin d’avoir plus d’information générale sur les travaux faits à Saint-Raphaël et sur l’organisation d’un regroupement citoyen : karineaudet77@hotmail.com

Bonne réflexion !

 

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