Noir et Blanc

Jean Charron, L’Info, Saint-Élie-d’Orford, mai 2015

Il y a toujours deux côtés à une médaille. Dans nos efforts pour soutenir les projets d’Haïtiens qui veulent plus d’efficacité dans l’organisation de leur société, c’est une vérité qu’il ne faut pas perdre de vue. Ça semble évident, mais nos expériences terrains nous enseignent qu’évident ne rime pas avec facilité.

Il fut un temps, pas si lointain, où être noir signifiait ne pas être considéré comme un être humain. La célèbre Déclaration des droits de l’Homme lors de la révolution française de 1789 affirmait que « tous les hommes naissent égaux » sans spécifier que c’était des hommes « blancs », car c’était évident pour tous. D’ailleurs, à l’époque, la femme n’était pas beaucoup plus considérée d’où l’appellation des droits de « l’Homme ».

On a beau avoir évolué, ces blessures laissent des cicatrices. De plus, certains employeurs blancs en Haïti, paient, en 2015, 3 $ par jour comme salaire, dans un pays où l’essence coûte le même prix qu’ici. Pas étonnant que les Haïtiens circulent à pied et en tap-tap. Pas étonnant que l’homme noir se méfie de l’homme blanc.

On veut soutenir l’organisation, par les Haïtiens, d’une société plus juste où les enfants seront éduqués et nourris convenablement, mais nous sommes blancs comme ceux qui ont tant abusé d’eux et qui le font toujours. Lorsque je circule en Haïti, les tout-petits enfants m’interpellent en me lançant des « Blanc! Blanc! ». Ce qui veut dire « Riche! Riche! ». Heureusement pour moi, cela est vrai : je suis infiniment plus riche qu’eux. Mon travail consiste à les convaincre que nous voulons, quand même, soutenir leurs efforts pour relever leur niveau de vie. Cela, en gardant à l’esprit que ce peuple a son propre génie, son propre chemin pour organiser et bâtir sa société. Le mariage du génie blanc au génie noir est un défi, mais les métis sont tellement beaux!

Lorsque j’ai le plaisir de partager avec les donateurs lors de rencontres d’informations, précisément à cause de ce dilemme riche/pauvre, blanc/noir, je dis souvent que rien n’est facile en Haïti. Il faut cependant travailler dans la joie, c’est-à-dire avec la confiance qu’au-delà des difficultés, nous arriverons à construire une société plus juste, là-bas et ici.

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