Le trio Bataclan, un son prégnant et enchanteur

Gisèle Bart, Le Journal des citoyens, Prévost, le 21 mai 2015

Le 18 avril, le trio formé du bassoniste Mathieu Lussier, du bandonéoniste Denis Plante et de la claveciniste Catherine Perrin nous a transportés depuis Prévost vers les bars clandestins d’Argentine et vers les cabarets de Paris, Londres et Berlin tenus pendant la première partie du XXe siècle.

Comme décor, un bosquet de micros et d’ornementations disposés avec soin par Ghislaine et Normand Tassé (bénévoles à Diffusions Amal’Gamme depuis plusieurs années) enchâssaient un magnifique clavecin vert antique jalonné de doré, une fidèle copie des clavecins du XVIIe et du XVIIIe siècle, fabriqué par M. Yves Beaupré, le meilleur facteur au Canada.

L’histoire de l’improbable trio, « un vrai bataclan », en est une d’amitié, car former un trio avec ces trois instruments, trio unique au monde d’ailleurs, tenait du défi. Qu’à cela ne tienne, Messieurs Plante et Lussier, tous deux compositeurs et arrangeurs, le relevèrent brillamment en arrangeant expressément pour la formation n’importe quelle pièce qu’ils souhaitaient jouer, y allant également de leurs propres compositions.

En premier lieu, ce fut la pièce Fiestango de Piazzola, maître incontesté du tango, que le bandonéoniste D. Plante considère comme son mentor. D’emblée, le son percutant de l’ensemble nous tordit le cœur et l’émotion ressentie est indescriptible. Il faut ajouter que ce son était impeccablement équilibré entre les trois instruments par le sonorisateur, M. Bernard Ouellette. Suivit un répertoire éclectique allant de pièces enjouées ou tordues, à la langueur d’une Barbara et d’un Michel Legrand. Le spectacle ayant été annoncé comme « un détour par l’univers fascinant de dandys célèbres », on nous joua trois compositions de Denis Plante inspirées par des écrits de Oscar Wilde. La triste errance de Edward et Wallis fut également illustrée par des œuvres de Mathieu Lussier.

Après la pause, insouciance puis tristesse portée à son paroxysme, le clavecin s’offrit des passages plus mélodiques. Suivirent des arrangements probants de classiques, Viloldo, Brahms et Chostakovitch, grandement appréciés par l’assistance. De Kurt Weill fut joué un magnifique Youkali. Du même compositeur résonnèrent les sons d’un certain tango, étranges comme ceux de la musique disjonctée du XXe siècle en général.

De Denis Plante, on nous interpréta un hommage senti à son inspirateur Piazzola par un joyeux tango, Astorias. Dans l’esprit d’un concert voulu également divertissant, les pièces Dis quand reviendras-tu ? de Barbara et Comment te dire adieu? de Rokand et Gold furent écourtées, interprétées folichonnes. Des Feuilles mortes mélancoliques vinrent équilibrer le tout et le rubato du clavecin nous charmer.

Ce fut une soirée enchanteresse durant laquelle notre ouïe bénéficia d’un son pénétrant, unique, une escalade d’émotions intenses, le mariage d’un basson charmeur, d’un touchant bandonéon et d’un impétueux clavecin qui, loin d’être aléatoire, est un mariage des plus heureux.

 

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