Anika au Pays des Merveilles

Johanne Bilodeau, L’Info, Saint-Élie-d’Orford, mai 2015

En bordure du Chemin de Saint-Élie menant au mont Orford, au coeur du studio de photographie d’Anika Racine, derrière une pile d’étoffes multicolores, une petite entrée est dissimulée. Elle donne accès au Pays des Merveilles.

Anika Racine est photographe professionnelle. Née à Greenfield Park sur la rive sud, elle apprend les techniques de son art au Collège Champlain, puis au Collège Marsan. Fascinée par les belles rencontres et les grands espaces, elle et son compagnon de vie passent sept années à Vancouver.

Ils reviennent ensuite s’établir dans la région pour y élever leurs deux enfants. Il y a deux ans, en quête de l’endroit parfait pour ouvrir son premier studio de photographie, elle choisit Saint-Élie d’Orford. Au studio, Anika m’invite à boire le thé. Nous sommes assises confortablement dans les fauteuils moelleux du salon d’accueil. Elle ouvre la boîte de bois exotique contenant les sachets odorants. Notre photographe nomme leur nom un à un, apprécie leur sonorité, palpe la forme de l’objet léger. Le nez dans la vapeur qui monte de nos tasses, mon regard croise ses yeux de velours. Je constate qu’ils sont bien assortis à sa personne : Anika est une belle grande femme bienveillante au tempérament soyeux. Elle me raconte son premier voyage au Pays des Merveilles. Pendant le récit, ses fines mains captent la lumière autour d’elle et la transforme en images photographiques.

Au centre de l’atelier mobile, Anika se tient debout devant une penderie richement garnie. Des dizaines de robes vintages de toutes les textures et de tous les styles y sont accrochées. Elle touche les tissus délicats, admire leur palette de couleurs. Elle songe avec nostalgie que ces tenues prennent racine dans la collection personnelle de sa maman. Au bout d’un moment, dans un mouvement qui l’étonne elle-même, elle se faufile dans l’espace entre deux robes. C’est alors qu’à partir de la boutique, Anika passe au Pays des Merveilles.

Dans ses yeux remplis du miroitement des paillettes multicolores, les étoffes verticales deviennent les arbres d’une forêt toute féminine. À ses pieds s’ouvre un sentier qu’elle emprunte. Il est bordé des fleurs préférées d’Anika, les échinacées pourpres. Sur la promenade, Anika fait la rencontre des commerçants du Chemin de Saint-Élie, «la gang» comme elle les appelle affectueusement. Le temps de quelques photos, le groupe s’anime, parle de développement, de collaborations prochaines. Un peu plus loin, derrière un bosquet de dentelles, l’appareil photographique de l’artiste capte le premier baiser de jeunes mariés enlacés. La douce émotion est éternisée sur la surface du papier blanc. Une place lui est désignée au jardin d’images. Cet espace cultivé croît au gré des créations semées par Anika. Des épreuves numériques représentant de tendres objets du quotidien, ou des clichés sur pellicule traditionnelle faisant apparaître un détail porteur d’intimité, voilà ce qui pousse dans le jardin. Anika le contemple, découvrant les tirages de ses rêves de voyages.

Son regard suit l’itinéraire jusqu’aux portraits lumineux, source intarissable d’inspiration. Pour Anika, les portraits témoignent de belles rencontres. Enfant joyeux, femme sublime au naturel ou lors d’une mise en scène, homme authentique : la lumière de leur regard croise la lentille de la caméra de notre artiste. Cueilleuse de lumière, elle en fait un bouquet élégant qu’elle offre généreusement.

Au bout du sentier, le paysage change d’aspect. La forêt toute féminine fait place à un parc luxuriant aux proportions démesurées. L’air humide véhicule dans l’air un parfum suave. Anika découpe le décor en de magnifiques photographies mentales. Liée de près à de précieux souvenirs, elle sait qu’elle reviendra se promener dans ce parc. Poursuivant sa visite, elle emprunte la passerelle recouverte de mousses qui relie l’espace entre d’énormes conifères centenaires.

Deux chiens joueurs viennent lui dire bonjour. Anika leur caresse la tête, leur adresse des mots doux. Au loin, une voix de petit garçon se fait entendre. C’est son fils âgé de huit ans et son compagnon de vie qui lui envoient chacun un baiser volant. Les chiens comblés retournent vers l’enfant en gambadant.

Passée le pont verdi, Anika se retrouve sous l’arche d’une allée fleurie. Des milliers de fleurs aux pétales roses sont suspendues aux branches d’arbres matures. D’un pas léger, elle y chemine, jusqu’à une porte brodée ornée de perles blanches. La qualité de l’ouvrage est saisissante. Debout devant la porte, Anika reprend son souffle, décidée à ne pas faire de bruit. Elle y frappe trois petits coups, tourne la poignée – clic cloc, ouvre la porte tout doucement et entre à l’intérieur. Ses yeux se remplissent du scintillement de sequins de différentes teintes. Ce qu’elle distingue finalement la laisse sans voix : elle est dans l’espace de création de sa grande fille de onze ans, au cœur du Royaume de la fantaisie!…

Anika sort son appareil photo.

 

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