Gilbert Bournival, Le Stéphanois, Saint-Étienne-des-Grès, mai 2015
J’ai vu un film émouvant et inspirant : « L’empreinte » documentaire avec Roy Dupuis. Voici comment le festival international le présente : « Qui sommes-nous? Quelles sont les valeurs qui fondent notre identité, notre sentiment d’appartenance au Québec? Et d’où les tenons-nous?
Dans ce film, Roy Dupuis nous entraîne dans une quête visant à trouver des réponses à ces questions récurrentes dans notre histoire. À l’origine de sa démarche, il y a l’intuition que la culture québécoise est le fruit d’un important métissage culturel avec les peuples amérindiens. Il nous emmène à la rencontre de gens impliqués activement dans les sphères de la société où s’expriment nos caractéristiques les plus fondamentales : l’accent mis sur le collectif, le souci d’égalité, le « vivre et laisser vivre », la recherche de consensus…
Il questionne des historiens et des Amérindiens sur l’évolution de nos liens historiques avec les Premières Nations et découvre ce qui est sans doute le plus grand tabou de notre histoire. » J’ai adoré ces entrevues avec des représentants des deux cultures. Des passages très émouvants où j’ai découvert des racines de certains de mes comportements québécois, comme le goût prononcé de la liberté individuelle, de la simplicité, d’une conscience sociale faite de recherche d’harmonie, du goût de palabrer pour avoir des consensus, de préférer la paix et la justice à la chicane et à la guerre.
Ces différences valent-elles la peine de se battre pour elles? J’ai ma réponse : elles sont miennes, elles me font ce que je suis et j’en suis fier. J’ai eu le goût d’explorer ce que la présentation nomme le « plus grand tabou de notre histoire ». Je retiens particulièrement la fracture importante suite à la conquête anglaise en 1764. Jusque là, nos ancêtres francophones vivaient avec les indiens.
Avec eux, ils ont découvert les Rocheuses et le Mississipi jusqu’en Louisiane. Entre eux, ils faisaient des échanges commerciaux et des mariages. Un métissage dans leur village et dans les nôtres. Au moment de la conquête, la déportation des Acadiens avait commencé par le feu des villages ensauvagés et l’appropriation des terres. Plus tard, en remontant le fleuve, les troupes de Wolfe avaient brulé les villages de la rive sud. L’étape suivante serait-elle une autre déportation, cette fois, des Canadiens?
Pour survivre, les Canadiens ont dû se rapprocher des Anglais. Ils y furent encouragés par le clergé pour protéger la foi et la langue. Une entente entre les chefs religieux et les autorités anglaises engageait les chefs de l’Église à prêcher la soumission à l’autorité civile. En contrepartie, l’autorité anglaise exemptait les catholiques du serment du test (qui reniait tout pouvoir au Pape) requis pour exercer n’importe quelle charge publique.
Les indiens exclus des traités entre la France et l’Angleterre se sont ligués alors sous la gouverne du métis Pontiac et ont fait la guerre aux armées anglaises. Défaits, ils furent relégués à l’extérieur des lieux occupés le long du St-Laurent et du Mississipi, leur présence tolérée en forêt pour la traite des fourrures et plus tard, parqués en réserves. Moment de rupture entre les canadiens et les indiens.
Encore une quarantaine d’années après la déportation des Acadiens, quelques uns de mes ancêtres, ont marié des femmes métisses, du rang des acadiens à Yamachiche. Une tradition orale dans notre famille, en faisait mention, comme en cachette. Ces mariages étaient mal vus. Être traité de sauvage devenait une insulte. Pourtant, parmi nos arrière-arrière grand-mères ou grand-tantes, ces sauvagesses aussi ont laissé leurs empreintes en nous.
De reconnaître franchement mes racines dans ces alliances entre les indiens et les francophones du Québec donne une assise à mes valeurs de sociabilité, d’amour de la paix et à mon besoin à la fois de solidarité et de solitude.
À la fin, je me sens plus en paix avec qui je suis.