Collecter les idées avant les déchets

Sarah Bernier, Droit de parole, Québec, avril 2015

Les changements importants dans la collecte des matières résiduelles qui devaient être mis en branle à partir du 13 avril avaient été annoncés assez subitement. Avec encore plus de précipitation, à la dernière minute, le maire Labeaume a décrété qu’il ne s’agissait que d’un projet pilote… puis d’un choix donné aux citoyenNEs.

Le 31 mars avait eu lieu la dernière desquatre rencontres d’information pour présenter les changements. Oui, présenter les nouvelles modalités de collecte, aider à déterminer la nôtre et faciliter la transition. Il n’était pas question de consulter les citoyenNEs. Nous étions pourtant nombreux-ses à cette rencontre, preuve que le sujet des déchets n’est ni banal ni indifférent, et que cette suite de revirements aurait pu être évitée en interrogeant d’abord les personnes concernées.

 

Pourquoi changer ?

 

Le temps était venu de renouveler les contrats de collecte dans La Cité-Limoilou, Les Rivières et la Haute-Saint-Charles. Les modifications majeures concernent les quartiers centraux. Dans les milieux « dense » et « historique et commercial dense », la collecte a maintenant lieu en soirée, les matières résiduelles doivent donc être déposées entre 17 et 19h, ou jusqu’à 21h dans certains secteurs. Les fonctionnaires de la ville avaient également prévu un retour aux bons vieux sacs de plastique, pour les poubelles comme pour le recyclage, décision que le maire a plus ou moins « révisée ».

Les raisons invoquées pour imposer les changements sont multiples : bacs qui encombrent les trottoirs des jours et des nuits entiers, nuisant à la circulation des piéton-NEs et au travaux de la voirie, camions qui ralentissent les voitures durant les heures de pointe, difficulté à gérer les bacs dans les rues à sens unique, envol des matières recyclables et exposition de celles-ci aux intempéries, participation prétendue faible au recyclage dans les quartiers centraux.

 

Un changement valable ?

 

Les représentantEs de la ville à la rencontre du 31 mars étaient vraisemblablement de bonne foi. Ils se disent conscients que les nouveaux modes de collecte ne sont pas parfaits pour tout le monde et ont mis en place des mesures pour gérer les cas spéciaux. Ces cas s’avéraient-ils déjà si nombreux pour que le maire balaie du revers de la main l’obligation d’utiliser des sacs ? En fait, ni ce revirement ni le soutien des fonctionnaires ne réglera le problème des personnes qui ne peuvent déposer leurs matières résiduelles dans le court temps imparti pour le faire. De plus, même donner le choix entre les bacs et les sacs constitue un retour en arrière, faisant apparaître le peu de préoccupation face à l’enjeu primordial de la réduction des matières produites et à traiter.

La ville nous promet un « accompagnement» pour réussir la transition vers la nouvelle collecte, car, a insisté la représentante, il est difficile de modifier des habitudes. C’est juste. Mais raison de plus pour commencer au plus vite à les modifier dans le bon sens. Des alternatives plus durables À ce propos, lors de la rencontre d’information, on a évoqué la création d’un projet pilote avec des conteneurs collectifs enfouis, comme on en trouve en Europe. L’idée est intéressante. Sauf qu’à en juger par le projet pilote de compostage, qui s’est terminé en 2012 et dont on attend toujours la suite, il ne faut pas espérer d’alternative rapide. Dans l’immédiat, répétons-le, rappelons-en l’urgence, il s’agit avant tout de diminuer les déchets à la source.

Cela ne doit pas être strictement une responsabilité individuelle. À l’échelle municipale, pourrait-on envisager des mesures d’éco-fiscalité – une taxe spéciale aux entreprises qui distribuent allègrement des contenants à usage unique, un crédit à celles qui vendent en vrac, et aux commerces, propriétaires d’immeubles, résidantEs qui aménagent un lieu de compostage ? Assurons- nous aussi que toute nouvelle construction inclut d’emblée un tel aménagement. Et pourquoi ne pas mettre en ligne, sur le site internet de la ville, un système de réseautage afin que les objets qui peuvent  encore servir, être réparés ou bricolés soient échangés entre les citoyenNEs plutôt que de finir à la poubelle ? Quant à la nourriture jetée par les restaurants, les épiceries et les individus, si on la disposait dans des lieux et conditions accessibles, les personnes qui fouillent dans les poubelles pour la dénicher se trouveraient peut-être un peu soulagées.

Ces dernières semaines, est apparu l’embarras de la ville non seulement en matière de gestion des déchets, mais aussi de consultation publique. Les fonctionnaires et les élus auraient besoin de nos idées, mais n’osent s’en informer. Je vous invite donc à leur écrire vos suggestions. Profitez-en pour mentionner que vous souhaitez faire du compostage communautaire et qu’il y a un endroit tout désigné au coin de votre rue. Les ressources allouées à l’organisme Craque-Bitume pour prendre en charge cet enjeu ne suffisent pas, il faut donc insister. Exprimez aussi vos préoccupations à votre conseil de quartier. C’est collectivement que nous concevrons des solutions durables.

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