Rencontres avec des écrivains du quartier Ahuntsic-Cartierville

Rabéa Kabbaj,
Journaldesvoisins.com,
Montréal, avril 2015

Romanciers, poètes, bédéistes, nombreux sont les écrivains qui ont élu domicile dans l’arrondissement et qui y coulent des jours heureux entre quiétude du quartier et activité littéraire.

Si, pour la plupart d’entre eux, Ahuntsic-Cartierville ne constitue pas une source directe d’inspiration, ils louent cependant volontiers ses grands espaces et son cadre propice à la création qu’ils n’échangeraient pour rien au monde. Rencontres.

« J’ai une vue absolument extraordinaire. J’ai des arbres immenses, matures. Et ces fenêtres-là s’ouvrent complètement. C’est un univers magnifique et inspirant. Quand il neige, la neige tombe à flocons dans ma fenêtre. Sinon, ce sont les arbres qui changent de couleur, c’est le soleil qui rentre », raconte l’écrivaine Danielle Pouliot, non sans une certaine passion contagieuse dans la voix, en décrivant sa salle d’écriture qui donne sur le boulevard Gouin. Pour l’auteure de Lettre à Justine – son quatrième roman, qui a été classé parmi les « Coups de cœur 2014 » de La Presse – l’arrondissement est bel et bien un « support à la création » qu’elle utilise pour « se motiver, s’aérer », que ce soit en allant relire ses pages imprimées l’été, au bord de la rivière, ou en prenant des marches au parc de La Visitation.

En écriture depuis 10 ans, Danielle Pouliot est l’auteure de romans psychologiques, souvent traversés par les thématiques du deuil, de la souffrance, de l’espoir ou encore du pardon. Des personnages fictifs, mais qui peuvent emprunter ça et là à la réalité locale. « Quand je vais dans les différents commerces, c’est sûr que, des fois, je vais trouver des personnes qui m’inspirent pour mes personnages, que ce soit sur le plan physique ou sur le plan de la psychologie du personnage. […] Souvent, je fais un amalgame : je vais trouver un regard et, là, je vais le mixer avec la personnalité de quelqu’un d’autre », confie Mme Pouliot.

 

André Major

 

Écrivain depuis 1961, auteur prolifique d’une vingtaine d’ouvrages — des romans, de la poésie, du théâtre, des nouvelles ou encore de la correspondance — et ancien journaliste à Radio-Canada, André Major est loin d’être un inconnu au sein du paysage littéraire québécois.

Pour celui qui explique être venu à la littérature « parce qu’il avait l’impression que, dans les rapports sociaux, c’est difficile de dire vraiment tout, alors que la littérature permet cette liberté-là», Ahuntsic-Cartierville brille tant par « ses immenses espaces boisés » que par sa qualité de vie et sa diversité. « J’aime la vie du quartier, la diversité. Ce n’était pas comme ça nécessairement quand je suis arrivé […]. Cela s’est beaucoup enrichi avec les années. […] Si j’ai envie de cuisiner maghrébin, je trouve ce qu’il faut, si je veux faire de la cuisine turque, il y a une épicerie turque dans le coin. Alors, ça, c’est un avantage pour moi. Je n’aimerais pas changer de quartier. […] Sur le plan social, sur le plan humain, je trouve qu’on est bien. […] C’est le quartier où je me sens le plus à l’aise à Montréal », résume M. Major.

 

Michel Rabagliati

 

« Comme je vis ici depuis une quinzaine d’années, je vais probablement illustrer des rues prochainement, dans une prochaine bande dessinée. […] Il faut que cela serve mon histoire, ceci dit. Si Paul se promène aujourd’hui dans la rue, il va probablement se promener sur la rue Fleury, mais je n’ai pas encore eu à dessiner cela aujourd’hui, parce que mon personnage est souvent dans des tranches d’âge antérieures », souligne le bédéiste lorsqu’on lui demande s’il puise son inspiration dans le quartier.

D’inspiration autobiographique, le célèbre personnage de Paul – dont les aventures ont été traduites dans nombreuses langues et qui seront portées sur les écrans de cinéma du Québec cet automne – suit donc le cadre spatio-temporel de son auteur. « Là, en ce moment, il a 16 ans. Et, moi, à 16 ans, j’étais dans Rosemont, donc c’est surtout Rosemont qui est illustré. […] Cela dépend d’où j’étais à l’âge où le personnage est […] Si le personnage a un jour la cinquantaine ou la mi-quarantaine, il risque de se retrouver des décors d’Ahuntsic là-dedans », estime Michel Rabagliati, en notant que dans l’album Paul à Québec, la maison que Paul et Lucie achètent correspond à la maison qu’ils occupent présentement sur l’avenue du Sacré-Coeur.

En préparation de Paul dans le nord, huitième album de son personnage, l’auteur déclare apprécier « la belle nature » qu’offre l’arrondissement. « Ahuntsic m’inspire parce que je me considère très chanceux d’avoir une maison unifamiliale avec un beau terrain, des oiseaux et des arbres, c’est surtout dans ce sens-là. […] C’est comme un chalet ici, [quand] je regarde dehors. […] Je n’ai pas besoin d’aller m’acheter un chalet dans le Nord : je l’ai dans ma cour. »

 

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